Transport militaire : la Cour des comptes commence une nouvelle enquête
Transport militaire : la Cour des comptes commence une nouvelle enquête
Par Nathalie Guibert
Le travail d’investigation sera « plus large que les transports aériens stratégiques et tactiques » et couvrira diverses sous-traitances comme la restauration.
Nouvelle enquête sur le transport des armées : la Cour des comptes a commencé début mars des investigations sur les « contrats d’externalisation du soutien aux armées en opérations extérieures », selon les informations du Monde. Comme l’a mentionné le 13 février le premier président de la Cour, Didier Migaud, dans sa lettre à la commission des finances de l’Assemblée nationale qui l’avait saisi, le travail couvrira diverses sous-traitances, y compris la restauration, un vieux cheval de bataille des magistrats financiers.
Le sujet est « plus large que les transports aériens stratégiques et tactiques », précise M. Migaud, deux sujets au cœur de nombreuses attentions depuis plusieurs mois. Le transport stratégique, soit les vols de fret et de personnels militaires entre la France et ses opérations extérieures, fait l’objet de remarques de la Cour en 2015. En 2017, une enquête pénale a été confiée à la section de recherches financières de la gendarmerie, sous la conduite du Parquet national financier, comme l’a révélé Le Monde.
« Compte tenu d’une probable difficulté d’accès aux pièces en raison de l’enquête judiciaire en cours », la Cour des comptes prévoit de remettre son nouveau rapport aux députés « au plus tard le 25 janvier 2019 ». Un rapport interne du contrôle général des armées a également été réalisé, qui pourrait déboucher sur des sanctions disciplinaires.
Dans le prolongement du transport aérien stratégique, les magistrats financiers se pencheront sur le transport tactique, soit les vols entre les différentes bases françaises au sein même des zones d’opérations extérieures, un autre sujet complexe.
Au Sahel surtout, aute de moyens patrimoniaux, l’immensité de la zone d’action de l’armée exige de recourir à de nombreux prestataires privés, au service des opérations « Barkhane » et « Sabre » – son volet forces spéciales. Il s’agit grosso modo, selon les années, de transporter quelque 3 000 tonnes de matériels et 15 000 passagers. Les impératifs militaires exigent des procédures particulières et des décisions rapides, les conditions de sécurité étant appréciées par les responsables du terrain.
« Poursuivre les investigations »
Pour louer des avions en Afrique, des petits Beechcraft, des transporteurs Antonov 26 ou Antonov 32 (ou même des hélicoptères lourds russes MI8 comme l’avait révélé en juillet 2017 Ouest-France), l’armée ne recourt pas aux procédures des marchés publics. Les acteurs du secteur décrivent un Far West, car la concurrence est rude.
Le contrôle général avait ainsi alerté dans son rapport intermédiaire sur « des modalités de mise en œuvre des principes d’égalité de traitement des candidats et de transparence de procédure qui invitent à poursuivre les investigations ». Le contrôle interne de ces prestations présente des faiblesses « notables », a souligné le contrôle général.
En 2017, cinq sociétés d’affrètement se sont partagé le marché aérien « intra-théâtre » au Sahel, pour un montant de 25 millions d’euros au total : Daher, Dynami Aviation, SNC-Lavalin, Pegase Air Drop et Air Attack. Elles ont eu recours à des compagnies diverses : sud-africaine, arménienne, géorgienne, russe ou moldave. En octobre 2017, l’accident d’un Antonov 126 à Abidjan avec quatre militaires des forces spéciales à bord a provoqué la mort de quatre membres d’équipage ukrainiens.