Cinq questions sur le changement de nom du FN
Cinq questions sur le changement de nom du FN
La présidente du Front national, Marine Le Pen, a proposé dimanche de rebaptiser le parti « Rassemblement national ». Une décision symbolique et politique.
Marine Le Pen à Lille, le 11 mars. / Cyril Bitton / french-politics pour Le Monde
Marine Le Pen a proposé dimanche 11 mars aux militants frontistes de rebaptiser le Front national « Rassemblement national » (RN) lors du congrès du parti d’extrême droite à Lille, présenté comme celui de la « refondation ». Une décision symbolique et politique.
- Pourquoi Marine Le Pen a-t-elle proposé de changer le nom du FN ?
En rebaptisant le parti, Marine Le Pen veut s’adresser à une base électorale plus large en essayant de conjurer la méfiance que le FN inspire aux autres formations et à des électeurs, bien que la ligne politique reste identique. Pour Erwan Lecœur, sociologue et spécialiste de l’extrême droite :
« L’objectif est de donner le sentiment qu’elle rénove le FN pour l’ouvrir à de nouvelles alliances afin d’accéder au pouvoir, mais aussi de rassurer sur les fondamentaux, face au [président des Républicains] Laurent Wauquiez et [l’ancien bras droit de Marine Le Pen] Florian Philippot, qui lui disputent ses électeurs sur des bases proches. »
Ce dernier souligne aussi la « dimension symbolique et familiale » du changement de nom : « Chez les Le Pen : le FN, c’est le parti de Jean-Marie. Le RN, c’est Marine, comme elle avait déjà créé le “Rassemblement Bleu Marine”. » Troquer le FN contre le RN est selon lui une façon de « marquer un changement d’époque ».
Ce faisant, la dirigeante du Front national entend aussi poursuivre l’entreprise de dédiabolisation qu’elle s’efforce de mener depuis qu’elle a succédé à son père à la tête du parti en 2011, et sortir du « trou d’air » qu’elle a connu après son débat raté face à Emmanuel Macron à la veille du second tour de l’élection présidentielle.
- D’où vient le nom « Rassemblement national » ?
Il s’agit d’une fusion sémantique de « Front national » et « Rassemblement Bleu Marine », une association de campagne créée pour les élections législatives de 2012.
La nouvelle dénomination du FN rappelle le nom du groupe parlementaire frontiste qui a existé à l’Assemblée nationale de 1986 à 1988, « Front national-Rassemblement national ». Jean-Marie Le Pen avait présenté des listes sous ce nom aux législatives de 1986 pour s’ouvrir, déjà, à l’ensemble de la droite.
La même étiquette de parti avait été choisie en 1954 par Jean-Louis Tixier-Vignancour – il fut le candidat de l’extrême droite face au général de Gaulle à la présidentielle de 1965, avec Jean-Marie Le Pen pour directeur de campagne.
Le « rassemblement national » peut également rappeler le Rassemblement national populaire, un parti collaborationniste fondé en 1941 par Marcel Déat, et actif jusqu’en 1944. Une référence à contre-courant du travail de normalisation engagé au FN.
- Le nom appartient-il déjà à quelqu’un d’autre ?
Un membre de l’association Rassemblement national, Igor Kurek, qui se présente comme « gaulliste », a déclaré dimanche que le « Rassemblement national » que propose Marine Le Pen était déjà pris.
« Et bien oui “chère” Marine, le RN [Rassemblement national] existe déjà et vous ne pouviez nier son existence quand celui-ci s’est retrouvé depuis 2014 face à vos candidats à plusieurs reprises », écrit-il dans un communiqué publié dimanche, dénonçant « l’amateurisme de la “première opposante” autoproclamée ». « Le RN est de droite gaulliste et républicaine, le FN est d’extrême droite. Le FN ne sera jamais le RN et le RN ne sera jamais le nouveau FN », ajoute-t-il.
La marque « Rassemblement national » a en effet été déposée en 2013 auprès de l’Institut national de la propriété industrielle, non pas par Igor Kurek mais par Frédérick Bigrat, qui se réclame de la même organisation politique. Ce dernier a publié un communiqué, lundi, dans lequel il écrit que « les droits de la marque Rassemblement national ont été cédés par acte sous seing privé le 22 février 2018 ». Il ajoute que l’association Rassemblement national est en cours de dissolution, avant de mettre en cause les propos d’Igor Kurek, qu’il juge « parfaitement inexacts ».
- Jean-Marie Le Pen, cofondateur du FN, approuve-t-il ce changement ?
Le cofondateur du Front national et père de la présidente du parti, Jean-Marie Le Pen, a jugé lundi que le changement du nom du parti était un « assassinat politique ».
« Je trouve désastreux que l’on abandonne le nom du Front national car c’est un repère inimitable et incontournable », a-t-il déclaré sur France inter. « Le Front national, qui a quarante-six ans, qui a mené bataille comme un brise-glace dans l’Arctique pendant des années et des années… C’est plus qu’une appellation, c’est plus qu’un groupement, c’est une âme. C’est une histoire, c’est un passé. Et faire fi de tout cela me paraît désastreux », a-t-il affirmé.
Jean-Marie Le Pen a assuré qu’il n’adhérerait pas au « Rassemblement national » et a ouvert la porte à l’idée de réutiliser le nom du Front national pour des projets à venir.
- Quand le nouveau nom sera-t-il entériné ?
Marine Le Pen a déclaré que le principe d’un changement de nom du Front national avait déjà été validé par une « courte majorité » (52 %) de militants du parti d’extrême droite, invités à se prononcer dans un questionnaire.
« Rassemblement national » doit ensuite être soumis à un vote des militants par courrier, dont le résultat sera connu après au moins six semaines. Une consultation qui risque, selon le politologue Erwan Lecœur, d’être « polluée par les affaires juridiques et la longue histoire » du « Rassemblement national ».
« Rassemblement national » : Marine Le Pen explique son choix de nouveau nom pour le Front national
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