L’ONU accuse Facebook d’avoir laissé se propager des discours de haine contre les Rohingya
L’ONU accuse Facebook d’avoir laissé se propager des discours de haine contre les Rohingya
Par Perrine Signoret
En Birmanie, où le réseau social est particulièrement populaire, des ultranationalistes l’ont utilisé pour diffuser des appels à la violence envers la minorité musulmane.
Fin février, Facebook avait annoncé une mesure forte contre les discours de haine : la suppression du compte d’une figure extrémiste. / BRENDAN SMIALOWSKI / AFP
Selon des experts des Nations unies (ONU), Facebook aurait joué un rôle « déterminant » dans la crise qui secoue la Birmanie. Le réseau social est accusé d’avoir laissé se propager des discours de haine et des appels à la violence envers les musulmans Rohingya. Depuis août 2017, 700 000 d’entre eux ont été poussés à s’exiler au Bangladesh, à cause d’une campagne de l’armée birmane à leur encontre. Dans le pays d’Asie du Sud-Est, cette minorité est considérée comme une menace à la prédominance bouddhiste. Elle est la cible de massacres : selon Médecins sans frontières, environ 6 700 Rohingya, parmi lesquels au moins 730 enfants de moins de 5 ans, ont déjà été tués.
C’est en marge d’une session du conseil des droits de l’homme de l’ONU, lundi 12 mars, que Marzuki Darusman a dénoncé la responsabilité de Facebook, rapporte l’agence de presse Reuters.
« Tout se fait sur Facebook en Birmanie »
Le président de la mission internationale mandatée par l’organisme pour enquêter sur les violations de droits humains en Birmanie a expliqué que les réseaux sociaux avaient « substantiellement contribué au niveau d’animosité, aux dissensions et au conflit » du fait de la diffusion de « discours de haine ». Il a précisé que la plate-forme visée par ces propos était Facebook.
Yanghee Lee, rapporteuse de la situation des droits humains en Birmanie, a argué que Facebook jouait un rôle important dans la diffusion d’informations dans le pays. Elle a rappelé que le gouvernement lui-même l’utilisait à cette fin. « Tout se fait sur Facebook en Birmanie », a-t-elle expliqué aux journalistes, ajoutant que le site avait aidé au développement du pays, mais qu’il avait aussi été beaucoup utilisé pour propager des discours de haine.
« Nous savons que les bouddhistes ultranationalistes ont des comptes Facebook, et qu’ils incitent à beaucoup de violence et de haine contre les Rohingya et d’autres minorités ethniques. »
Le compte d’un moine extrémiste populaire supprimé
En septembre 2017, Facebook avait déjà essuyé des critiques en raison de la manière dont elle gérait la situation en Birmanie. Des activistes l’avaient ainsi soupçonnée de censurer des Rohingya. A l’époque, plusieurs d’entre eux avaient vu leurs comptes suspendus ou fermés. Comme l’expliquait une chercheuse d’Amnesty International au Daily Beast, cela semblait être lié à des campagnes de signalement menées contre les publications et comptes des Rohingya par leurs opposants. Facebook avait alors promis de se pencher sur la question.
A la fin de février, le réseau social a par ailleurs pris une mesure forte pour tenter de remédier à la propagation de discours antimusulmans : la suppression du compte de Wirathu, un moine bouddhiste extrémiste. Considéré comme l’un des principaux acteurs de la montée de l’islamophobie en Birmanie, il avait, selon un porte-parole de Facebook cité par l’Agence France-Presse, promu sur Facebook « la haine et la violence ».
« Si une personne partage régulièrement du contenu faisant la promotion de la haine, nous pouvons prendre une série de mesures telles que la suspension temporaire de sa capacité à poster et, finalement, la suppression de son compte », a signalé le porte-parole.