Notre choix TV du soir : « L’eau : scandale dans nos tuyaux » dans « Cash Investigation »
Notre choix TV du soir : « L’eau : scandale dans nos tuyaux » dans « Cash Investigation »
Par Mathieu Ait Lachkar
Notre choix du soir. Le magazine animé par Elise Lucet s’intéresse au business trouble du marché de l’eau en France (sur France 2 à 21 heures).
Cash lance la marque "Cash à l’eau" - Cash investigation
Durée : 01:22
Le Magazine « Cash Investigation », et l’enquête menée par Marie Maurice, plongent ce soir dans des méandres et les tourbillons du marché de l’eau en France. Un marché évalué à plus de neuf milliards d’euros par an, et trusté par le numéro un mondial Veolia, son dauphin Suez, ainsi que la Saur, troisième du secteur, essentiellement présent en campagne et dans les villes de taille moyenne.
Avant même sa diffusion, cette nouvelle investigation a d’ores et déjà valu au magazine d’Elise Lucet, une plainte pour violation de domicile déposée par le Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (Siaap), chargé de laver les eaux usées des neuf millions de Franciliens. Ce dernier s’étant offensé, comme le révélait le JDD daté samedi 10 mars, des méthodes de « Cash Investigation » dont les équipes s’étaient rendues dans les locaux du Siaap, en marge d’un conseil d’administration, afin de rencontrer la direction. Le conseil d’administration ayant finalement été annulé, les journalistes de « Cash » avaient alors décidé de distribuer des tracts aux employés du syndicat. Une « impressionnante irruption en force », et un « questionnaire quasi policier à des agents qui n’étaient pas en mesure d’y apporter des réponses », juge et dénonce le Siaap dans des propos rapportés par le JDD.
Tentative de corruption
Le magazine d’investigation s’intéresse particulièrement à ce syndicat parce qu’il fait l’objet d’une information judiciaire au pôle financier de Paris, pour des soupçons de prise illégale d’intérêt, de corruption, et de trafic d’influence portant sur des marchés publics signés dès 2011. « Cash » révèle, à l’aide notamment de la dizaine de lettre envoyée par un mystérieux lanceur d’alerte depuis 2011, les tractations suspectes dans l’attribution de plusieurs marchés publics lancés par le Siaap. Le Monde a également publié une enquête après une plainte pour corruption en janvier dernier.
Dans une mise en scène aux allures de Commedia Dell’Arte, le magazine de France 2 découpe l’affaire en trois actes. En 2012, un appel d’offres est lancé pour la refonte d’une usine de traitement des eaux à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine). Passavant, une société italienne spécialisée dans le traitement de l’eau, est sur le coup. Tout comme OTV, une filiale de Veolia dirigée par un certain Patrick Barbalat.
« Cash Investigation ». / France 2
Etant mis au courant des velléités des Italiens, Patrick Barbalat leur propose alors d’augmenter de 100 millions d’euros leur offre de départ (jugée trop compétitive par OTV) en échange d’une « enveloppe d’un million d’euros ». Marco Schiavio, patron de la société Passavant, refuse. Plus tard, apprenant que l’appel d’offres a finalement été remporté par la filiale de Veolia dont le projet est 70 millions d’euros plus cher que le sien, il envisage de contester l’attribution de ce marché devant le tribunal administratif.
L’affaire est loin d’être finie. Un deuxième puis un troisième acte suivent, nourris de nombreux soubresauts, dans lesquelle le Siaap est notamment accusé d’être intervenu, afin d’écarter les Italiens d’un autre appel d’offres à Achères Seine Aval (Yvelines), la plus grande station d’épuration d’Europe.
1 000 milliards de litres d’eau perdue chaque année
Pour autant, les révélations en fin d’émission ne doivent pas éclipser celles du début. L’une d’entre elles étant qu’en France, sur cinq litres d’eau potable, un litre n’arrive jamais aux robinets des foyers. En cause : des fuites dues à des tuyaux percés qui font perdre chaque année près de 1 000 milliards de litres d’eau, aux frais du contribuable.
Marie Maurice s’est rendue à Nîmes, mauvais élève en termes de rendement. Alors que la moyenne nationale est à 79,3 %, soit un litre sur cinq d’eau perdue, la cité gardoise plafonne, elle, à 70,5 %. La faute à des canalisations anciennes, et au service non rendu par Saur. Le délégataire ne manque en revanche pas de faire payer son eau 33 à 40 % plus cher aux habitants de la métropole nîmoises, sans subir le moindre contrôle de la municipalité. Saur, ainsi que le montre le magazine, s’illustre également dans le chantage à la coupure d’eau pour les plus mauvais payeurs. Une pratique pourtant interdite pour les résidences principales depuis la loi Brottes de 2013.
L’eau : scandale dans nos tuyaux, de Marie Maurice (Fr., 2018, 120 min).