Les poulets en feu de l’artiste Adel Abdessemed. / MAC LYON

Il a pris sa décision après plus de trois jours d’embrasement. Mercredi 14 mars, l’artiste franco-algérien Adel Abdessemed a choisi de retirer l’installation vidéo qui accaparait toute l’attention dans son exposition au Musée d’art contemporain (MAC) de Lyon. Non toute l’attention des visiteurs – une quarantaine de ses œuvres y sont exposées –, mais celle d’internautes découvrant, hors contexte, des images partagées sur Twitter par un visiteur.

Intitulée Printemps, l’œuvre, qui date de 2013, montre une rangée de poulets en flammes, accrochées à un mur par les pattes. Indigné par cette vision, l’internaute a interpellé plusieurs associations luttant contre la maltraitance animale. Son message a été visionné plusieurs centaines de milliers de fois et partagé par des dizaines de milliers de personnes, avant que le compte ne soit finalement désactivé par son utilisateur, dépassé par la situation.

« Une allégorie de toutes les violences »

Face aux demandes d’explication, le musée avait réagi sur le réseau social, avant de publier, lundi 12, un communiqué pour rappeler que l’œuvre était « une allégorie de toutes les violences. Notamment celles qui sont infligées aux animaux, ce qu’il [l’artiste] ne cesse de dénoncer dans de nombreuses œuvres et dans ses interviews ». En insistant sur l’innocuité du gel inflammable utilisé dans la vidéo, réalisée « avec une équipe de techniciens créateurs d’effets spéciaux pour le cinéma ». Et en soulignant la question du montage : « Pour éviter toute souffrance », les poulets n’ont été soumis à cet « effet de flamme que pendant trois secondes, [qui] ont été ensuite montées en boucle dans un dispositif sonore et visuel qui en accentue la dramatisation. »

Rien n’y a fait, le scandale n’a cessé de se propager. « Toute une série de discussions nous ont amenés à nous demander, avec Adel Abdessemed, comment se mesurer aux réseaux sociaux. Malgré le dialogue, notamment avec des représentants de la cause animale, nous n’avons pu faire comprendre la distinction entre les images, une œuvre d’art et les conditions de création », confie au Monde Thierry Raspail, le directeur du MAC Lyon, dans la foulée d’une décision de l’artiste qu’il juge « sage » malgré tout. « Adel a toujours combattu toutes les formes de violence, et pour une vidéo qui porte tous les charniers du monde, réalisée avec des trucages, c’est l’indignation générale ? Avec, au passage, des insultes racistes ? », constate-t-il, dépité.

La vidéo va être remplacée par une autre. Mais un cartel reviendra sur l’œuvre et sa réception, « pour en garder la mémoire ».