Américains et Sud-Coréens vont reprendre vendredi leurs exercices militaires annuels conjoints, dits Key Resolve et Foal Eagle. « Ils seront d’une ampleur similaire à ceux des années précédentes », a fait savoir mardi 20 mars le ministère sud-coréen de la défense, sans livrer plus de détails.

Selon la presse sud-coréenne, les manœuvres Key Resolve, axées sur la simulation au niveau des états-majors, pourraient durer 15 jours, comme en 2017. Celles baptisées Foal Eagle, qui mobilisent d’importants moyens, devraient démarrer le 1er avril et pourraient ne pas dépasser un mois, contre deux en général. Le spectaculaire exercice Ssangyong (Double dragon), inclus dans l’ensemble Foal Eagle et qui simule un débarquement, ne serait pas médiatisé comme il l’était auparavant. Certains matériels sensibles, comme les bombardiers américains B-1B et les sous-marins à propulsion nucléaire mobilisés en 2017, ne devraient pas l’être cette année.

Comme à l’accoutumée, le commandement des forces onusiennes de Corée a transmis les détails des exercices à Pyongyang, tout en rappelant qu’ils étaient « purement défensifs ». Ces manœuvres ont mobilisé en 2017 près de 15 000 militaires américains et 300 000 sud-coréens. Ils suscitent chaque année la colère de Pyongyang, qui y voit une répétition d’une attaque directe contre elle et les perçoit comme une menace.

Reportées en raison des Jeux olympiques

En 2017, la Corée du Nord avait menacé d’y répondre par une « attaque préventive au nom de la justice » qui serait un moyen de démontrer « la force militaire » de la République populaire et démocratique de Corée (RPDC, nom officiel de la Corée du Nord). Elle avait évoqué le recours à l’arme nucléaire. Les mois qui ont suivi ont été marqués par une forte montée des tensions. La RPDC a procédé à plusieurs tirs de missiles et à un essai nucléaire. Washington a réagi en multipliant les invectives et en choisissant d’appliquer une pression maximum sur Pyongyang au travers notamment de résolutions assorties de sanctions économiques adoptées par le Conseil de sécurité de l’ONU.

En 2018, le calendrier des manœuvres a changé car elles devaient coïncider avec les Jeux olympiques et paralympiques de Pyeongchang, terminés dimanche 18 mars. Tirant profit de l’ouverture au dialogue manifestée dans son discours du Nouvel an par le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, le président sud-coréen Moon Jae-in avait convaincu les Américains de les reporter.

S’en était suivie une multiplication des échanges, notamment une participation de délégations nord-coréennes aux jeux de Pyeongchang et des échanges au plus haut niveau. Le régime de Pyongyang avait notamment envoyé Kim Yo-jong, la sœur du dirigeant Kim Jong-un, à la cérémonie d’ouverture des JO le 9 février. Les 5 et 6 mars, une délégation sud-coréenne menée par le conseiller à la sécurité nationale Chung Eui-yong, s’est rendu à Pyongyang et a rencontré M. Kim.

Maintenir la pression à l’approche des sommets

Ces rencontres ont ouvert la voie à de possibles sommets, fin avril entre Moon Jae-in et Kim Jong-un, puis entre le président américain Donald Trump et le leader du Nord. Les discussions seront axées sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne, que Kim Jong-un pourrait accepter, comme il l’aurait exprimé lors de sa rencontre avec la délégation sud-coréenne. Cet engagement aurait convaincu Donald Trump d’accepter de le rencontrer.

Dans la perspective de ces sommets qui, d’après Chung Eui-yong, « doivent réussir non seulement pour la paix et la stabilité de la péninsule coréenne, mais aussi pour celles du monde », les responsables de la sécurité américain, sud-coréen et japonais se sont retrouvés les 17 et 18 mars à San Francisco. D’après la Maison Bleue (la présidence sud-coréenne), ils ont abordé la dénucléarisation totale de la péninsule avec l’ambition de « ne pas répéter les erreurs passées », sous-entendues les décisions qui n’ont pas empêché la Corée du Nord de se doter d’un arsenal nucléaire. Après une visite à Washington du 15 au 17 mars, la ministre sud-coréenne des affaires étrangères, Kang Kyung-wha, s’est rendue à Bruxelles au sommet européen des chefs de la diplomatie, où elle a notamment rencontré le 19 mars son homologue français Jean-Yves Le Drian. Elle s’est aussi entretenue avec Margot Wallstrom, son homologue suédoise, qui avait eu la veille à Stockholm un entretien avec Ri Yong-ho, le ministre nord-coréen des affaires étrangères.

La volonté de maintenir les exercices conjoints reflète la volonté de Séoul et de Washington de maintenir la pression sur Pyongyang à l’approche des sommets. Lors de la visite à Pyongyang de la délégation sud-coréenne, Kim Jong-un aurait affirmé qu’il « comprenait que les exercices de routine entre les Etats-Unis et la Corée du Sud devaient continuer ».

Pour Cheong Seong-chang, de l’institut Sejong de Séoul, les manœuvres devraient être un élément important des négociations à venir. « En échange d’un abandon du nucléaire, Kim Jong-un pourrait demander l’arrêt des exercices militaires conjoints, un traité de paix et la fin des sanctions économiques. »