A Buenos Aires, le G20 met en garde contre des « tensions économiques accrues »
A Buenos Aires, le G20 met en garde contre des « tensions économiques accrues »
Par Audrey Tonnelier
Les différends commerciaux et la fiscalité des GAFA ont été l’occasion de passes d’armes entre Européens et Américains mardi, au terme de la réunion des ministres des finances du G20.
« Il y a des désaccords profonds, mais tout se fait à fleuret moucheté. » Le grand soleil qui brillait sur Buenos Aires, lundi 19 et mardi 20 mars, n’a guère fait illusion : comme le résumait l’un des participants au G20 finances, la rencontre des grands argentiers mondiaux, dans la capitale argentine, s’est tenue dans une atmosphère particulièrement fraîche.
Le communiqué final, publié mardi après-midi après de longues heures de négociation, a donné la mesure de ce numéro d’équilibriste. Les « tensions économiques et géopolitiques accrues » font partie des risques susceptibles de peser sur la reprise mondiale, ont souligné les ministres des finances et les représentants des grandes banques centrales de la planète. Une allusion voilée mais bien réelle à la décision prise par le président américain Donald Trump de taxer les importations d’acier et d’aluminium, sous couvert d’impératifs de sécurité nationale. Mais aussi aux surcapacités chinoises régulièrement décriées par ses partenaires commerciaux, alors que Pékin est, en fait, peu concerné par les menaces américaines, puisque le pays n’est qu’un fournisseur marginal des Etats-Unis en la matière.
Le rendez-vous de Buenos Aires intervenait à quelques jours de l’entrée en vigueur, vendredi 23 mars, de droits de douane américains de 25 % sur les importations d’acier et de 10 % sur celles d’aluminium. Le Canada, le Mexique et l’Australie ont obtenu d’en être exemptés. L’Union européenne est engagée dans une course contre la montre pour tenter d’obtenir le même traitement : la commissaire européenne au commerce, Cecilia Malmström, devait se rendre à Washington mardi et mercredi.
Les Etats-Unis n’ont « pas peur d’une guerre commerciale »
Bien que les ministres des finances ne soient pas directement compétents en la matière, le sujet a été au cœur des entretiens des deux journées entre responsables européens et américains. « Les questions commerciales font courir un risque de frictions entre les pays, mais pourraient aussi affecter la confiance des entreprises, alors que la croissance est en bonne partie tirée par la reprise de l’investissement », s’inquiétait, mardi, un proche des discussions.
En marge de la rencontre, certains se sont toutefois montrés nettement plus directs. « Personne ne comprendrait que l’Union européenne ne soit pas exemptée sans conditions de cette augmentation des tarifs (…), car l’Europe n’est pas à l’origine du problème », a martelé, mardi, le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire. « Le multilatéralisme reste la solution, mais il ne doit pas être synonyme d’impuissance. Or, la hausse des mesures tarifaires, c’est du protectionnisme, et donc une menace pour notre croissance », avait-il précisé la veille.
« Nous n’avons pas peur d’une guerre commerciale, même si ce n’est pas notre but. (…) Il ne s’agit pas de protectionnisme. Nous souhaitons un libre-échange équitable, qui s’inscrive dans la réciprocité », a répliqué le secrétaire d’Etat américain, Steven Mnuchin, mardi. Et d’ajouter : « Il y a un désir général au sein du G20 de voir la Chine ouvrir ses marchés, de manière à ce que nous puissions y entrer comme ils le font chez nous. »
« L’Europe ne souhaite pas d’escalade commerciale, mais nous nous tenons prêts à réagir avec des mesures de sauvegarde. Il est important que ce G20 marque que c’est le cadre global de l’Organisation mondiale du commerce [OMC] qui a la préférence collective », avait déclaré, lundi, Pierre Moscovici, le commissaire européen aux affaires économiques.
La taxation des GAFA au cœur des discussions
Les tensions entre les deux côtés de l’Atlantique étaient d’autant plus palpables à Buenos Aires que les dissensions commerciales se télescopent avec l’autre grand sujet du moment : la mise en place d’une taxation commune des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), ces géants du numérique qui multiplient les stratégies d’évitement de l’impôt sur les sociétés. La Commission européenne devait présenter, mercredi, ses propres mesures.
Il devait s’agir de cibler les revenus des réseaux sociaux et autres moteurs de recherche, en accès gratuit, mais qui fondent leur activité sur l’exploitation des données privées des utilisateurs, à des fins publicitaires. Or, Washington « s’oppose fermement » à ce que ces groupes soient taxés différemment du reste de l’économie, avait asséné, le 16 mars, M. Mnuchin.
« Nous n’avons pas choisi le calendrier. Ce n’est pas une taxe anti-GAFA, nous ne ciblons pas les entreprises américaines, [mais] une centaine d’entreprises américaines, européennes et asiatiques », a tenté de déminer Pierre Moscovici depuis Buenos Aires.
La proposition fiscale européenne devrait être présentée au Conseil européen du 23 mars, en vue d’une discussion approfondie en juillet, lors de la prochaine réunion des ministres des finances. La Commission espère une adoption par les Etats membres avant la fin de l’année, ce qui permettrait de mettre en avant l’initiative lors des élections européennes de 2019. Un délai extrêmement court à l’échelle de Bruxelles, alors que de nombreux pays, Irlande en tête, s’opposent encore à un tel mécanisme de taxation.