Bande dessinée : en RDC, sur la piste du mystérieux singe jaune
Bande dessinée : en RDC, sur la piste du mystérieux singe jaune
Par Kidi Bebey
La chronique BD de Kidi Bebey. Barly Baruti et Christophe Cassiau-Haurie proposent une aventure trépidante qui explore, en creux, les enjeux sociaux et environnementaux congolais.
Chronique. Illustrateur et baroudeur né à Kisangani, en République démocratique du Congo (RDC), Barly Baruti s’est fixé au royaume de la bande dessinée, Bruxelles, d’où il ne cesse de faire rayonner son style. Formé au dessin, comme nombre de talents actuels, au sein de la fameuse Académie des beaux-arts de Kinshasa, il mène d’album en album – une trentaine au compteur ! – une démarche inlassable de militant de l’image, désireux d’évoquer sa terre d’origine, sa culture, ainsi que les liens qui perdurent avec l’ancienne puissance coloniale. « La RDC peut paraître lointaine, comme si elle ne concernait plus vraiment la Belgique, mais la relation continue et a pris de nouvelles formes, qui nous regardent tous, que nous en ayons conscience ou pas », rappelle-t-il.
Dans son nouvel opus, Le Singe jaune, il s’est associé à Christophe Cassiau-Haurie, spécialiste français de BD africaine et fin observateur, lui aussi, des liens qui unissent la Belgique et la RDC. Le duo, qui avait déjà signé, en 2014, un Madame Livingstone situé en Afrique centrale, s’est reformé pour donner naissance au « singe jaune », espèce fictive de primate jusqu’alors inconnue et dont la découverte, médiatiquement orchestrée, suscite d’emblée l’interrogation du monde scientifique. S’agit-il d’une information fiable ? Sinon, que peut cacher cette prétendue découverte ? Paulette Blackman, une jeune reporter belge dont le nom est un clin d’œil à la bien réelle Colette Braeckman, va quitter Bruxelles pour aller en sonder la véracité au cœur de la forêt vierge.
Biodiversité et métissage
Nous plongeons à sa suite dans une série d’aventures trépidantes qui sont aussi à lire comme un récit à clés, car la BD va évoquer tour à tour les problématiques de la biodiversité, de l’exploitation abusive des ressources du sous-sol, des enfants-soldats et, au bout du compte, du métissage dont ce mystérieux singe jaune constitue le symbole. « J’ai voulu intriguer le lecteur avec cette idée d’un animal improbable afin d’aborder tous ces thèmes », dit Barly Baruti. Le résultat est un scénario échevelé et touffu, où l’on a parfois du mal à trouver son chemin, une aventure aussi inattendue sans doute que les surprises, bonnes ou mauvaises, qui surgissent au cœur de la forêt lorsque la touffeur équatoriale révèle les limites de chaque être ou que l’usage des armes fait basculer les destins.
Dans des pages encombrées de lianes, fiévreuses et comme obscurcies par la malhonnêteté des hommes, Paulette Blackman et ses compagnons d’aventure sont progressivement amenés à interroger leur vision du monde. Ils nous ramènent, ce faisant, de l’aventure au réel. Oui, notre Terre est belle, mais il est urgent de la préserver. Et oui encore, dans ce smartphone dernier cri que nous sommes si nombreux à vouloir posséder se cache le coltan dont l’extraction fracasse l’univers de populations entières, là-bas, en RDC. En continuant d’acheter au Nord ces produits qui déséquilibrent le Sud, ne sommes-nous vraiment pour rien dans l’absurde fonctionnement du monde ?
Le Singe jaune, de Barly Baruti et Christophe Cassiau-Haurie, éd. Glénat, 112 pages, 22 euros.
GLÉNAT