Des Etats européens examinent la possibilité de représailles supplémentaires contre la Russie
Des Etats européens examinent la possibilité de représailles supplémentaires contre la Russie
Par Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen)
Au-delà des déclarations de solidarité avec le Royaume-Uni, la France n’exclut pas de se joindre aux pays, comme le Danemark et l’Irlande, soucieux de répondre concrètement à l’empoisonnement de l’espion Sergueï Skripal.
De gauche à droite : le chancelier autrichien Sebastian Kurz, le premier ministre hongrois Viktor Orban, le premier ministre croate Andrej Plenkovic et le président du Conseil européen Donald Tusk, le 23 mars à Bruxelles. / POOL / REUTERS
Des pays membres de l’Union européenne devraient adopter, lundi 26 mars, des mesures supplémentaires à l’égard de la Russie pour son implication « hautement probable » dans l’empoisonnement de l’ex-agent double russe Sergueï Skripal sur le territoire britannique. Combien de pays ? « Plus qu’un, mais la réponse est prématurée », a expliqué Donald Tusk, le président du Conseil, à la fin du sommet qui réunissait, vendredi 23 mars, à Bruxelles, les chefs d’Etat et de gouvernement européens.
Quelles mesures ? « Additionnelles et concertées », ont expliqué plusieurs chefs d’Etat en célébrant la « démonstration d’unité » affichée, selon eux, la veille. À l’issue de plusieurs d’heures d’une discussion particulièrement brouillonne, selon des témoins, ils ont apporté leur soutien à la position de la première ministre britannique et décidé de rappeler, « pour consultation », l’ambassadeur de l’Union européenne à Moscou.
La surprise Orban
C’est Viktor Orban, le premier ministre hongrois, qui a introduit cette option dans le débat, créant une certaine surprise. Elle a fini par faire l’unanimité, malgré les réticences de la haute représentante Federica Mogherini et du président de la Commission, Jean-Claude Juncker. Ce dernier défend l’idée d’un dialogue avec Moscou en vue d’assurer la sécurité du continent. « Ce que j’ai dit n’a pas été contesté, expliquait-il vendredi. Nous avons besoin d’un canal ouvert pour discuter avec la Russie ».
Certains Etats membres jugent cependant que le moment n’est pas propice au débat. Le Danemark, la République tchèque et l’Irlande font partie de ceux qui se disent prêts à prendre des mesures supplémentaires rapidement. A savoir, probablement, le rappel – temporaire ou prolongé – de leur ambassadeur, voire l’expulsion de diplomates, évoquée notamment par la présidente lituanienne Dalia Grybauskaité.
D’autres – Pays-Bas, Belgique, Italie – parlent de la nécessité de plus longues discussions et de ne pas rompre avec Moscou. La Grèce veut attendre le résultat définitif de l’enquête sur l’usage et l’origine du produit qui a empoisonné M. Skripal et sa fille.
Entretien téléphonique Macron-Poutine
Au cours d’une conférence de presse commune avec la chancelière allemande Angela Merkel, Emmanuel Macron a estimé, quant à lui, que l’affaire de Salisbury constituait « une atteinte à la souveraineté européenne ». Les deux dirigeants ont annoncé des décisions rapides. M. Macron n’a toutefois pas parlé du rappel de l’ambassadeur de France à Moscou, rumeur qui circulait à Bruxelles vendredi.
Le chef de l’Etat français a évoqué l’affaire de Salisbury avec Vladimir Poutine, au cours d’une conversation téléphonique, lundi 19 mars. Les deux hommes ont aussi discuté de la Syrie et de l’avenir des accords de Minsk, censés organiser un cessez-le-feu en Ukraine. Paris espère, enfin, favoriser une action collective de l’UE pour condamner l’usage des armes chimiques.
La fermeté du ton adopté par les Européens, contrastant avec la division affichée lundi 19 mars par les ministres des affaires étrangères, a manifestement beaucoup agacé Moscou, où l’on accuse le Royaume-Uni de pousser ses alliés européens à la confrontation. Depuis le Vietnam, où il effectue une visite officielle, le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov a estimé que Londres a pris « le cap pour rendre la crise avec la Russie la plus profonde possible ». « Tout cela n’est qu’une provocation », a ajouté le ministre. Quant à l’UE, estime le ministère russe des affaires étrangères, elle devrait plutôt « encourager ses partenaires britanniques à commencer des consultations constructives » avec Moscou.
Moscou accuse Londres de pousser ses alliés européens à la « confrontation »
La Russie a accusé, vendredi 23 mars, le Royaume-Uni de pousser ses alliés européens à la confrontation. Les autorités britanniques « cherchent fiévreusement à forcer leurs alliés à prendre des mesures visant à la confrontation » avec Moscou, a déclaré le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, en visite à Hanoï.
Le ministère russe des affaires étrangères a réagi en appelant l’Union européenne à « encourager plutôt ses partenaires britanniques à entamer des consultations constructives » avec la Russie, et réitéré sa volonté de coopérer avec Londres dans le cadre de cette affaire.
« Tout cela n’est qu’une provocation », a jugé M. Lavrov, alors que la Russie se plaint de n’avoir toujours pas accès à la citoyenne russe Ioulia Skripal, hospitalisée avec son père « dans un état critique mais stable », selon Londres, ni aux échantillons de la substance utilisée selon les autorités britanniques pour l’empoisonnement.