Formule 1 : pourquoi cette 69e saison sera plus excitante que prévu
Formule 1 : pourquoi cette 69e saison sera plus excitante que prévu
Par Catherine Pacary
Qui peut rivaliser avec Fangio ? Avec Prost ? Les monoplaces vont-elles toujours plus vite ? Comment suivre le championnat qui s’ouvre en Australie ce week-end ?
Lewis Hamilton et Sebastian Vettel visent tous les deux un cinquième titre de champion du monde cette saison. / WILLIAM WEST / AFP
Depuis trop longtemps, la seule question à l’entame d’une nouvelle saison de formule 1 était : « Quelqu’un peut-il battre Mercedes ? » Qui succédait à : « Quelqu’un peut-il battre Ferrari » ? Mais voilà qu’en un an, trois événements majeurs viennent de modifier la donne : l’arrivée d’un nouveau propriétaire, Liberty Media en janvier 2017 à la tête de la F1 mondiale ; l’émergence d’une nouvelle génération de pilotes au côté de trentenaires charismatiques ; et l’ouverture, enfin, de la F1 à la connectique, qui rend l’élite du sport automobile à nouveau accessible. A la veille du Grand Prix inaugural d’Australie, le 25 mars à Melbourne, cette 69e saison suscite un regain d’intérêt et des interrogations inédites.
Des voitures toujours plus rapides ?
Pneumatiques « nominés » au 22 mars. / PIRELLI
Le premier choc de la piste enneigée passé, la révélation des essais hivernaux de Barcelone a été la vitesse à laquelle les monoplaces ont surgi du virage pour entrer dans la ligne droite des stands. L’Allemand Sebastian Vettel sur Ferrari a pulvérisé le record du tour (1 min 17 s 182’pour couvrir 4,655 km) détenu depuis 2008 par le Brésilien Felipe Massa (1 min 18 s 339’). Un chrono à relativiser puisque Pirelli inaugurait là un pneu encore plus tendre et donc le plus rapide jamais utilisé, l’hyper-tendre rose. De plus le revêtement neuf était particulièrement accrocheur. Ces tests restent néanmoins prometteurs, sans pour autant faire craindre pour la sécurité des pilotes. C’est l’autre découverte hivernale, le fameux halo inauguré cette saison. Sorte de fourche à deux dents placée au-dessus des cockpits, il protège la tête des concurrents qui, rappelons-le, n’ont pas de pare-brise en F1. Critiqué pour son esthétique et la gêne visuelle occasionnée, le halo a déjà obligé les instances de course à déplacer une partie des feux de départ du Grand Prix d’Australie.
Qui va rivaliser avec Fangio ?
Et si leur patronyme entrait aussi dans le langage commun ? Aux manettes des monoplaces les plus rapides et les plus sécures de l’histoire donc, deux quadruples champions du monde des pilotes peuvent décrocher une 5e couronne et égaler le palmarès de l’Argentin Juan Manuel Fangio, champion en 1951, 1954, 1955, 1956 et 1957. Le Britannique et tenant du titre Lewis Hamilton, pour Mercedes, et Sebastian Vettel sur Ferrari. Avec en bonus pour l’Allemand, l’option d’enfin remporter un titre avec la Scuderia pour sa cinquième saison.
Que peuvent espérer les Français ?
Trois pilotes français s’alignent sur la grille à Melbourne. Le plus expérimenté, Romain Grosjean, 31 ans, passé par Renault et Lotus, a choisi de tenter l’aventure américaine en 2016. Avec une 5e place comme meilleur résultat en deux saisons, il vise le milieu de tableau et un peu mieux si l’ouverture se présente sur une course. Le plus prometteur, Esteban Ocon, débute sa deuxième année chez Force India au côté de Sergio Perez, avec lequel il forme le duo le plus explosif du plateau. Révélation 2017, hyperrégulier avec 18 courses dans les points sur 20, 8e au classement officiel, mais 5e dans celui des patrons d’écurie, il vise le podium raté de peu l’an dernier, et le baquet de Valtteri Bottas chez Mercedes en 2019. Le rookie normand, ce n’est plus lui mais Pierre Gasly, 22 ans, avec lequel il a débuté le kart à 5 ans. A son tour d’apprendre et de convaincre Toro Rosso, l’écurie réserve de Red Bull Racing où débuta un certain Vettel. Les trois pilotes auront à cœur de briller, le 24 juin, à domicile, au Castellet pour le retour du Grand Prix de France après dix ans d’absence – vingt-huit sur le circuit varois et la victoire en 1990 d’Alain Prost.
Révélation 2017, le Normand Esteban Ocon vise un premier podium pour sa deuxième saison avec Force India. / ALBERT GEA / REUTERS
Une 4e place convoitée…
La bataille s’annonce rude derrière le top 3 Mercedes-Ferrari-Red Bull. Parmi les postulants, les trois directeurs d’équipe français. « Nous ne visons pas un podium », affirmait le directeur général de Renault Sport Cyril Abiteboul, le 8 mars à Barcelone, qui, plutôt que des coups d’éclat compte sur la régularité, à l’image de Force India de 2017. Chez Alfa Romeo Sauber, Fred Vasseur affiche à l’inverse de grandes ambitions et compte sur l’appui logistique de son motoriste Ferrari. Chez McLaren, tous les espoirs sont permis, le responsable de course Eric Boulier ayant réussi après trois années de galère à évincer son motoriste Honda au profit de Renault. Parmi les prétendants étrangers, Force India fait passer le message qu’il lui sera très difficile de réitérer l’exploit de sa 4e place de 2017, quand Haas rappelle qu’elle demeure une jeune écurie et mérite donc toutes les indulgences.
Règlement : qu’est-ce qui change cette année ?
La principale évolution réglementaire visible est le halo (voir ci-dessus). Un autre changement, qui ne lui ne saute pas aux yeux, pourrait néanmoins s’avérer décisif dans la bataille de peloton qui s’annonce. Les écuries sont, désormais, limitées à trois moteurs par monoplace et par saison, contre quatre l’an dernier. Facteur aggravant, 2018 compte 21 Grands Prix contre 20 en 2017. La fiabilité sera donc plus que jamais cruciale, à défaut de quoi les rétrogradations en fond de grille vont se multiplier. Et peut-être provoquer de spectaculaires « remontadas ».
Pourquoi va-t-on parler de Fernando Alonso ?
A 36 ans, le doyen des pilotes de la grille court, comme l’an passé, après la Triple Couronne – pour triple victoire, au Grand Prix de Monaco, aux 24 Heures du Mans et aux 500 Miles d’Indianapolis. Vainqueur en 2005 et 2006 sur le Rocher, il s’est donc inscrit au championnat du monde d’Endurance pour être présent au Mans les 16-17 juin, et se rendra à Indianapolis, le 27 mai. Ce qui, si l’on additionne, l’oblige à courir 27 épreuves en 36 week-ends, sans compter les dizaines d’heures de décalage horaire. Même au top de sa forme, est-ce réaliste ? Soutenu par son écurie McLaren, son public et même par les instances internationales, Fernando Alonso tente le tout pour le tout, avec le panache qui le caractérise.
Les Grid Kids vont-ils se faire accepter ?
La décision est lourde de symbole. Les Grid Girls, ces « filles de la grille » au look sexy qui portaient les pancartes numérotées des voitures sur la grille de départ disparaissent. Jugées « clairement en contradiction avec les normes sociétales modernes » par Sean Bratches, directeur général des opérations commerciales de la F1, elles sont remplacées par les Grid Kids, de jeunes pilotes de kart ou de formule juniors. A eux d’user de charmes différents pour séduire un public plus large et donner une nouvelle image de la F1.
Comment suivre un Grand Prix ?
En France, les abonnés de Canal+ peuvent, comme d’habitude depuis 2013 et juqu’en 2020, suivre les Grands Prix grâce à 10 heures de direct pour chaque (30 heures pour celui de France). La nouveauté est ailleurs, avec le retour de TF1, diffuseur historique jusqu’en 2012. La chaîne propose gratuitement, mais avec des coupures publicitaires, quatre Grands Prix, dont ceux de Monaco le 27 mai et du Castellet le 24 juin. Il sera aussi bientôt possible de se connecter à la nouvelle plate-forme payante de streaming F1 TV, mais pas tout de suite. Les dirigeants de la F1 ont, en effet, annoncé le report de son lancement, jeudi 22 mars, à une date ultérieure. Prévue dans 24 pays, elle doit permettre une immersion totale grâce à 20 caméras embarquées et cible un public rajeuni.
Qu’attend-on de Melbourne ?
L’Australien de Red Bull Daniel Ricciardo est très attendu, chez lui à Melbourne, où il court à domicile ce week-end le premier Grand Prix du championnat du monde de F1. / WILLIAM WEST / AFP
La fin du Poker menteur caractéristique de la trêve hivernale. Attenant à l’Albert Park, le circuit de Melbourne (5,303 km, à parcourir 58 fois) a le charme bucolique du printemps – même si c’est l’automne en Australie – et la symbolique du renouveau. Alors que les essais débutent, jeudi 22 mars, les premières vérités sont tombées. F1 TV ne sera pas prêt tout de suite, et le halo gêne bien la visibilité. Pour preuve, la FIA a fait déplacer des feux de départ au dernier moment et les 20 pilotes vont procéder exceptionnellement à des simulations de départ le 23 mars. Ce qui ne semble pas trop déranger Daniel Ricciardo, tout sourire au milieu des fans. L’Australien de Red Bull profite pleinement de « sa » course.