Cela devient presque une routine ! Pour la deuxième fois en à peine plus d’un mois, l’intersyndicale d’Air France, qui regroupe dix organisations représentant toutes les catégories de personnel, appelait à une journée de grève, vendredi 23 mars.

Un jour de conflit à l’occasion duquel la direction de la compagnie prévoyait d’assurer « 75 % de son programme de vols ». A l’appui de la loi Diard, qui impose aux salariés grévistes de se signaler au plus tard 48 heures avant le démarrage du mouvement, Air France annonçait 70 % de ses vols long-courriers, 70 % de ses vols moyen-courriers au départ et vers Paris-Charles de Gaulle, ainsi que 80 % de ses vols court-courriers.

En pratique, la direction tablait sur 35 % de grévistes chez les pilotes, 31 % chez les hôtesses et stewards et 29 % parmi les personnels au sol. Des pourcentages qui seraient en léger recul par rapport à la première grève du 22 février.

Un effritement que les syndicats contestent. Selon Philippe Evain, président du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), « la mobilisation est similaire à celle du premier jour de grève, voire en augmentation ». Les grévistes réclament une augmentation des salaires de 6 % pour compenser la perte de pouvoir d’achat liée à l’inflation. Une demande très éloignée de la proposition de la direction, qui a pour sa part fait approuver par deux organisations non représentatives une augmentation générale de 1 %. « Une aumône », avaient jugé les syndicats.

« La direction essaie de casser l’intersyndicale »

Au sein de la compagnie aérienne, chacun campe sur ses positions. La direction a proposé une mesure d’ajustement salarial, rejetée par l’intersyndicale (SNPL, SPAF, Alter, SNPNC, UNSA-PNC, CFTC, SNGAF, CGT, FO et SUD). Il s’agit d’un dispositif pour augmenter les salaires des personnels dont la hausse de la rémunération individuelle a été moindre que l’inflation depuis 2011.

Le président du SNPL dénonce une volonté de la direction d’enfoncer un coin au sein de l’intersyndicale. Lundi, Jean-Marc Janaillac, PDG d’Air France-KLM a, en effet, adressé deux courriers distincts, l’un en direction des pilotes, le second à l’adresse des autres catégories de personnels. « C’est à l’évidence une tentative de division », estime M. Evain. « La direction essaie de casser l’intersyndicale », renchérit Sandrine Techer, secrétaire de section du Syndicat national du personnel navigant commercial (SNPNC).

« Cette grève arrive à un moment qui ne nous paraît pas opportun. Nous la regrettons », souligne M. Janaillac, alors que se sont ouvertes, mardi 20 mars à Paris, les Assises du transport aérien qui pourraient décider de l’avenir du secteur.

Dans sa lettre aux pilotes, le PDG d’Air France-KLM semble prêt à lâcher un peu de lest. « Même si nos marges de manœuvre sont encore très faibles, j’ai entendu les demandes de vos représentants », écrit-t-il, invitant les syndicats de pilotes à la discussion. « La seule voie est celle de négociations qui devront être “gagnant-gagnant” avec vos organisations syndicales. Nous y sommes prêts, et Franck Terner, directeur général d’Air France, va prendre l’initiative de cette démarche avec vos représentants », précise M. Janaillac.

Facture salée pour la compagnie

Cette initiative est loin d’avoir convaincu le SNPL. Dans ce courrier, « il y a beaucoup de flatteries, beaucoup de brosse à reluire pour les pilotes, mais sur le fond, c’est toujours pareil. Rien ne change », fustige M. Evain. M. Terner devrait rencontrer les syndicats de pilotes peu de temps avant la troisième journée de grève, programmée pour le 30 mars. Pour le SNPL, pas de doutes, « la direction joue le pourrissement. C’est une faute grave ».

En revanche, la tonalité du courrier adressé aux autres catégories de personnels est toute autre. Le PDG ne propose aucun grain à moudre. Toutefois, M. Janaillac assure aux hôtesses et aux personnels au sol qu’il peut « comprendre un certain sentiment d’injustice pour vous qui avez accompli des efforts importants pendant plusieurs années ». « Ça suffit ! », s’exclame Sandrine Techer, qui exige « un retour à meilleure fortune » pour les salariés.

Faute d’obtenir satisfaction, l’intersyndicale a déjà prévu une troisième journée de grève le 30 mars. A raison de 26 millions d’euros par jour de conflit, la facture menace d’être salée pour la compagnie. D’autant que M. Evain prévoit déjà « d’autres mobilisations beaucoup plus rapprochées en avril ». De nouvelles grèves qui « risquent de coûter des centaines de millions d’euros à Air France », avance-t-il.