Dernière danse à l’Opéra de Paris pour la danseuse étoile Marie-Agnès Gillot
Dernière danse à l’Opéra de Paris pour la danseuse étoile Marie-Agnès Gillot
Par Rosita Boisseau
Avant de prendre sa retraite auprès de cette institution parisienne, la danseuse de 42 ans a interprété l’opéra « Orphée et Eurydice », samedi soir.
Marie-Agnes Gillot a été immortalisée à l’Opéra Garnier à Paris, le 15 mars. / CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP
Assise en bord de scène, ses jambes nues se balançant dans la fosse d’orchestre, rieuse, Marie-Agnès Gillot a une fois de plus cueilli son public, lors de ses adieux, samedi 31 mars, au Palais Garnier. Agée de 42 ans, la danseuse étoile de l’Opéra national de Paris a pris sa retraite comme le veut le règlement de l’institution parisienne. Trois semaines après avoir dansé Boléro, de Maurice Béjart, elle interprétait Orphée et Eurydice, opéra créé en 1975 par Pina Bausch sur la musique de Gluck. « Je meurs dans les deux ballets, déclarait-elle tout de go, le 7 mars, en pleine répétition de la pièce de la chorégraphe allemande. Ouf ! La voilà ressuscitée sous des rafales d’applaudissements durant vingt minutes, en compagnie de son fils Paul et de sa chienne Goldy, sur fond de jets de roses rouges et blanches, en raccord avec les couleurs du spectacle de Pina Bausch.
Comme Béjart avait voulu Gillot pour Boléro, Pina Bausch l’avait choisie pour Eurydice en 2005. Cette intense lamentation, qui s’enroule autour d’une Eurydice statufiée, perchée, le voile blanc épinglé, immobile pendant vingt-cinq minutes, a fait rayonner le tempérament subtilement tragique de Gillot qui sait contenir sans retenir. Epaulée par le danseur étoile Stéphane Bullion, plus que parfait dans Orphée, ainsi que par les chanteuses Maria Riccarda Wesseling et Yun Jung Choi – les héros sont dédoublés et les partitions chorégraphiques et vocales entrelacées dans la version de Pina Bausch –, elle a tiré sur l’écheveau des gestes et des diagonales dans l’espace de ces retrouvailles amoureuses sans cesse empêchées.
Des excuses pour son caractère trempé et sa « bosse »
Après cette grande vague lyrique, le retour sur terre s’est révélé très joyeux. Les discours ont fusé. Aurélie Dupont, directrice de la danse, s’est souvenue d’une tournée à Hong Kong avec Gillot et d’une « baston dans un bar » où elles s’étaient planquées sous une table… Stéphane Lissner, directeur général de l’Opéra national de Paris, a rappelé les grandes étapes de son parcours jusqu’à sa nomination d’étoile en 2004 à l’issue d’une représentation de Signes, dans la chorégraphie de Carolyn Carlson, présente pour ces adieux. Il a pointé au passage que Gillot a été la première danseuse de la maison à accéder au grade ultime sur un spectacle contemporain et non classique.
Quant à Gillot elle-même, qui a vite ôté ses chaussures à talons pour être plus à l’aise, son discours ciselé et joliment envoyé façon slam sur fond de violoncelle live, a fait mouche. Elle a évoqué « la retraite, ce drôle de mot », ses « deux maîtresses de l’espace que sont Carlson et Bausch », remercié les trois générations de partenaires masculins qui l’ont aidé à vaincre « la peur du médiocre ». Elle s’est excusée, auprès de ses directrices et directeurs « d’avoir un peu de caractère » et auprès de tous les photographes qui l’ont régulièrement photoshoper, en particulier à cause de sa « bosse » – elle souffre depuis l’enfance d’une double scoliose. Elle a ensuite proposé à Aurélie Dupont de se lancer dans un duo. Filmée par une armée de smartphones brandis à bout de bras pour tenter de la saisir au milieu de la foule, Gillot était plus visible sur les écrans qu’en réalité. « A demain ! », a-t-elle conclu avant d’aller discuter avec tout le monde. Vivement demain !