Michel Neyret, à son arrivée au tribunal, le 4 avril, pour son procès en appel. / JACQUES DEMARTHON / AFP

L’avocat général a requis mardi 10 avril une peine de quatre ans d’emprisonnement, dont dix-huit mois avec sursis, contre l’ex-commissaire Michel Neyret, jugé devant la cour d’appel de Paris, notamment pour corruption, trafic d’influence et trafic de stupéfiants. Le parquet général ne réclame pas donc le retour en prison de l’ex-numéro 2 de la police judiciaire de Lyon. Cette peine est aménageable, compte tenu des huit mois de détention provisoire effectués par l’ex-policier. Mais le ministère public veut accentuer la sanction, par rapport à celle demandée par le parquet en première instance, en mai 2016, par deux peines complémentaires : une amende de 15 000 euros, et cinq ans d’interdiction des droits civiques, civils et de famille.

La demande d’interdiction des droits de l’ancien numéro 2 de la police judiciaire de Lyon, ponctue un réquisitoire particulièrement cinglant. « Je vois mal cet homme bénéficier du droit de vote, ou porter la légion d’honneur », avance l’avocat général Jean-Christophe Muller. L’ancien chef de la brigade antigang de Lyon avait obtenu la légion d’honneur en 2004, des mains de Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur de l’époque, à la suite de l’arrestation de détenus en fuite. Si la légion d’honneur est le symbole d’une carrière exceptionnelle, son retrait serait désormais celui d’un exemple à ne plus suivre.

« Il a brisé un modèle qu’il aurait pu représenter »

A travers cette privation de droits, le parquet général souhaite au fond l’effacement social de l’image du superflic qu’a longtemps incarnée Neyret. « Il a brisé non seulement sa vie, sa carrière, il a brisé une sorte de modèle qu’il aurait pu représenter », dit Jean-Christophe Muller. Pour le magistrat, chaque profession produit des « archétypes », imprimés dans l’imaginaire collectif, capables « de tirer les autres vers le haut ». Neyret aurait pu être de ceux-là. Il a « tout gâché ». « La conception très singulière du métier de policier est au cœur de ce dossier » estime l’avocat général, désireux de mesurer l’impact de l’affaire Neyret sur l’institution policière.

En ironisant sur « la PJ d’antan » et « la police à la Vidocq », le ministère public tient à tracer
les frontières de la pratique policière. Assez simplement, finalement : légales ou illégales. Certes le métier de policier peut s’avérer complexe, en particulier en matière de stupéfiants, mais « les zones grises » sont prévues par plusieurs dispositions sur les informateurs ou les infiltrés, estime l’avocat général, délivrant en substance le message suivant : Neyret a perdu le sens du devoir dans l’exercice tout personnel de son métier.

Un compte offshore pour réceptionner les compensations reçues

Dans le réquisitoire, il reste de l’emblématique commissaire un portrait au vitriol. Celui d’un homme pris à « son jeu », enfermé dans sa « toute-puissance ». L’avocat général fustige « une conception assez dévoyée, totalement individuelle, égocentrique, autocentrée, marquée par une complaisance vis-à-vis de lui assez hallucinante ». « Sa carrière n’est sans doute pas réductible à cette période-là », nuance Jean-Christophe Muller. Mais cette période projette une ombre indélébile sur l’image du policier déchu qui se défend « avec des arguments de voyou ».

Le magistrat dresse la liste des cadeaux reçus, en échange des interventions et des renseignements fournis par le fonctionnaire. Il calcule ses retraits d’argent liquide, compare les années 2011 et 2010, et conclut que des compensations venaient forcément de ses relations coupables. Il insiste sur « un point particulièrement éclairant », qui aurait été sous-estimé, à savoir l’ouverture en Suisse de sociétés panaméennes et d’un compte off-shore. Proposé par Gilles Bénichou, activé par son cousin Stéphane Alzraa, ce compte, « réceptacle » de toutes les gratifications promises, représente « le stade ultime » de la corruption du commissaire, selon l’accusation. Dans le volet des détournements de stupéfiants, le parquet général a requis huit mois de prison avec sursis contre Gilles Guillotin, ancien policier de l’antenne de la PJ de Grenoble. Il a suggéré la confirmation de la relaxe du commissaire Christophe Gavat.