Documentaire sur Arte à 00 h 05

INKOTANYI: PAUL KAGAME ET LA TRAGÉDIE RWANDAISE
Durée : 03:54

Ils se faisaient appeler ­Inko­tanyi, ce qui, en ­kinyarwanda, la langue du Rwanda, signifie « ceux qui se battent avec le plus de ­courage ». Les combattants du Front patriotique rwandais (FPR), un mouvement politico-militaire né dans des camps de ­réfugiés d’Ouganda en 1987, ont conservé ce surnom jusqu’à la libération de leur pays et la fin du génocide des Tutsi, pendant lequel un million d’hommes, de femmes et ­d’enfants ont trouvé la mort entre avril et juillet 1994. Parmi leurs leadeurs se trouvait Paul Kagame qui, en août 2017, a été réélu pour un troisième mandat présidentiel avec un score (98,6 %) qualifié de « dictatorial » par de nombreux observateurs occidentaux.

Dans son film Inkotanyi, le ­réalisateur français Christophe Cotteret retrace l’histoire du FPR et donc celle du Rwanda contemporain. Le sujet est si douloureux et polémique que l’exercice exige de la prudence et de la mesure. Il y en a dans ce film riche d’archives inédites, qui a nécessité trois ans de travail. « Le FPR a traversé nombre d’événements charnières, pour certains incroyablement difficiles, mais n’en a pas moins maintenu son cap, explique Christophe Cotteret. Dire cela, ce n’est pas faire l’apologie d’un régime. C’est reconnaître une progression politique continue et cohérente, ce qui n’est hélas pas si fréquent en Afrique… »

Des vérités à cacher

Faire le bilan politique du FPR est un exercice d’équilibriste. Si le Rwanda a retrouvé la paix, un développement économique sou­tenu, et s’il se présente aujour­d’hui comme un exemple en matière d’accès à l’éducation et à la santé, il figure aussi sur la liste noire des organisations des droits de l’homme. « Comme n’importe quel pouvoir, le gouvernement de Paul Kagame a ses zones d’ombre et de lumière, et j’évoque très ­clairement les unes comme les autres, se défend le réalisateur. Ce qui complique l’enquête, c’est que parmi ses détracteurs, on trouve des gens qui n’ont pas intérêt à ce que la vérité des faits soit établie. »

Image extraite du documentaire « Inkotanyi », de Christophe Cotteret. / © 2017 WRONG MEN NORTH/V. DE NUIT

Pour retracer la trajectoire des Inkotanyi, Christophe Cotteret donne la parole aux personnages-clés de l’histoire. Il a tourné de longues séquences avec Paul ­Kagame – l’entretien a été obtenu deux ans après une première ­demande – et Yoweri Museveni, actuel président de l’Ouganda, qui a accédé au pouvoir en 1986 grâce à l’appui des Inkotanyi. Si Christophe Cotteret donne la ­parole à plusieurs cadres politiques du mouvement et cofondateurs du FPR (Denis Polisi, Patrick ­Mazimpaka), il rencontre aussi des observateurs extérieurs comme Rony Brauman (ancien président de Médecins sans ­frontières), l’historien Gérard Prunier ou le journaliste Patrick de Saint-Exupery. Les « opposants » sont moins nombreux mais il y en a, à l’instar de Paul Rwarakabije, ancien officier des Forces armées rwandaises (FAR), impliquées dans le génocide.

Le film revient sur plusieurs ­zones d’ombre, comme les mas­sacres commis par les Inkotanyi lors de la libération du Rwanda et à l’extérieur de ses frontières, notamment en République ­démocratique du Congo (ex-Zaïre). Il se penche aussi sur le rôle de la France lors de l’opération « Turquoise », qui continue de faire polémique. Paul Kagame raconte la capture de 23 soldats français et comment ils ont fait l’objet d’un « marchandage » pour permettre l’accès de ses troupes vers une zone humanitaire et le contrôle du territoire. Un épisode qui n’a jamais été reconnu officiellement.

Inkotanyi, Paul Kagame et la tragédie rwandaise, de Christophe Cotteret (Belg.-Fr., 2017, 100 min).