« Sonate pour Roos » : une famille norvégienne plombée par le non-dit
« Sonate pour Roos » : une famille norvégienne plombée par le non-dit
Par Mathieu Macheret
Le Néerlandais Boudewijn Koole livre un drame psychologique à l’emballage soigné mais aux métaphores éculées.
Roos (Rifka Lodeizen), jeune artiste photographe, revient en Norvège après une longue absence, auprès de sa mère Louise (Elsie de Brauw), grande pianiste à la retraite, et de son petit frère Bengt (Marcus Hanssen), passionné de prise de son, et passe quelque temps dans leur grande maison aux abords de la toundra. Mais entre la mère au cœur sec, qui fut dans sa jeunesse une véritable bête de concours, et la fille, porteuse d’un lourd secret, quelque chose d’important ne parvient pas à se dire, qui crispe rapidement leur relation. Ressentiment, manque affectif, quête de reconnaissance, rivalité sourde, tout affleure dans ces quelques jours où Roos redécouvre un monde, celui de l’enfance, qu’elle avait sciemment laissé derrière elle.
Sonate pour Roos, troisième long-métrage du Néerlandais Boudewijn Koole, fait partie de ces drames psychologiques dont l’emballage très soigné, mais peu inventif, ne rend pas toujours justice aux méandres tortueux des rapports humains – on est loin de Sonate d’automne (1978), d’Ingmar Bergman, dont le film offre comme une version allégée. A commencer par son décor de grandes étendues neigeuses, dont le caractère figé renvoie à la retenue « gelée » et toute luthérienne des affects filiaux. De même, les différentes pratiques artistiques, qui relient (ou parfois opposent) les trois membres de cette famille surdouée, interviennent comme des métaphores éculées du « cinéma révélateur des âmes ».
Accoucher une seconde fois
Plus largement, cette fiction du non-dit et de l’aveu, qui accumule les signes d’introspection (flocons qui tombent au ralenti, décadrages savants, gros plans blêmes), peut se voir comme la seconde chance offerte à une maternité défaillante de « délivrer » pour de bon sa progéniture (à l’image d’un élan renversé par Roos en voiture et dont on découvre que le cadavre portait deux petits). En d’autres termes d’accoucher une seconde fois – mais pas forcément comme on l’attend.
Trop balisé dans son cheminement psychologique rédimant, le film n’en affiche pas moins une certaine tenue. Ses scènes les plus réussies sont sans doute celles des retrouvailles de Roos avec une petite sphère villageoise figée dans son engourdissement – dont un ancien amant qui, depuis, a refait sa vie. Alors, ses personnages se mettent vraiment à exister « dans le temps », ce qui n’est déjà pas rien.
SONATE POUR ROOS
Durée : 01:42
Film néerlandais et norvégien de Boudewijn Koole. Avec Rifka Lodeizen, Elsie de Brauw, Marcus Hanssen, Jakob Oftebro (1 h 32). Sur le Web : www.arizonafilms.fr/spr_entretien.html