Tribune. De retour d’un voyage d’étude parlementaire au Kenya et alors que la neuvième conférence internationale francophone de lutte contre le VIH et les hépatites, organisée par l’Alliance francophone des acteurs de santé contre le VIH et les infections virales chroniques (Afravih), s’est clôturée le 7 avril, nous, élus de tous horizons politiques, appelons le président de la République française, Emmanuel Macron, à envoyer un signal politique fort à destination des acteurs de la lutte contre le VIH/sida en s’engageant à ce que la France accueille la prochaine conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

En effet, la France est aujourd’hui le deuxième contributeur historique au Fonds mondial, derrière les Etats-Unis, avec plus de 5 milliards de dollars versés depuis 2001 (soit environ 4,1 milliards d’euros) et des promesses de dons à hauteur de 1,08 milliard d’euros pour la période 2017-2019. Nous sommes donc un partenaire fondateur, historique et d’ampleur et avons participé, aux côtés de nos partenaires internationaux, à sauver plus de 22 millions de vies depuis la création du Fonds mondial. C’est bien simple : grâce à notre action commune, les décès causés par ces pandémies ont diminué de plus de 30 % en quinze ans.

Lire l’épisode de notre série consacrée au pludisme : Malgré une forte mobilisation internationale, l’argent manque encore contre le paludisme

Mais derrière ces chiffres certes très encourageants, la partie est loin d’être gagnée : 1,8 million de personnes supplémentaires ont été infectées par le VIH en 2017 et 1 million de personnes sont décédées du sida. Sur les 36,7 millions de personnes vivant avec le VIH, seules 20 millions bénéficient d’un traitement antirétroviral, dont 11 millions grâce aux programmes financés par le Fonds mondial. Ces chiffres révèlent également de très fortes disparités sociales, géographiques et de genre, avec 68 % des porteurs du VIH vivant en Afrique subsaharienne, où la maladie touche 5 % de la population et où les femmes sont un tiers de plus à être atteintes que les hommes.

Des ravages en Guyane et à Mayotte

C’est pourquoi nous nous sommes rendus au Kenya, centre névralgique de la lutte contre le sida en Afrique de l’Est, pour constater sur place les avancées permises grâce au Fonds mondial. Parmi les nombreuses rencontres, celle de Pauline nous a marqués. Cette jeune femme de 31 ans a découvert sa séropositivité il y a dix ans. Après avoir suivi un traitement pour préserver ses défenses immunitaires, elle a eu accès à un traitement antirétroviral en 2016.

Mère d’un garçon de 11 ans, Pauline attend un autre bébé. Aucun d’eux n’est contaminé par le VIH, notamment grâce aux traitements et aux soins qui lui ont été fournis. Aujourd’hui, elle est volontaire au sein d’un centre de santé à Nairobi cofinancé par le Fonds mondial et accompagne ainsi les nouveaux séropositifs. Pauline et les dizaines de patients que nous avons rencontrés et qui sont souvent devenus acteurs de la lutte contre le VIH nous obligent à réaffirmer notre engagement et la place de la France en matière de santé mondiale.

Car si aujourd’hui en France règne l’illusion que l’épidémie est derrière nous, loin de nous, elle continue en réalité à faire des ravages. C’est particulièrement vrai dans nos territoires d’outre-mer : le VIH touche par exemple 1 % des Guyanais. Sur ce territoire loin du feu médiatique, l’épidémie de sida est au stade « généralisé », avec un taux annuel de contamination de 147 pour 100 000 habitants (contre 17 au niveau national). De nombreuses problématiques rencontrées au Kenya, telles que les difficultés d’accès aux soins, l’isolement ou la pauvreté, s’y retrouvent d’ailleurs, tout comme à Mayotte.

L’heure n’est plus aux promesses

C’est pourquoi nous appelons de nos vœux que la France saisisse l’opportunité qui lui est offerte d’accueillir la sixième conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial afin d’augmenter et de pérenniser son soutien cette lutte. Ce sera l’occasion pour nous de réaffirmer notre engagement non seulement dans la lutte contre le sida, mais aussi en faveur de la couverture sanitaire universelle, du renforcement des systèmes de santé, de l’accès aux soins et aux traitements dans les pays à ressources limitées, des droits des populations les plus exposées aux épidémies et, enfin, de la coopération internationale en matière de santé.

Il nous paraît impératif que la France adopte un comportement volontariste et mette un terme à la tendance observée au désinvestissement et au désengagement politique. La vacance depuis plusieurs mois du poste d’ambassadeur français de la lutte contre le sida et les maladies transmissibles nous interpelle et la réduction de notre soutien à Unitaid (organisation internationale chargée de centraliser les achats de traitements médicamenteux, dont la France est aujourd’hui le premier bailleur de fonds) inquiète nos partenaires internationaux, alors que le président de la République s’est lui-même engagé à ce que la France maintienne au moins son niveau d’engagement en la matière.

L’heure n’est donc plus aux promesses mais bien aux preuves tangibles que nous sommes collectivement prêts à poursuivre le leadership de la France en matière de santé mondiale et à assumer pleinement notre responsabilité. L’engagement de la France, en tant que présidente du G7 en 2019, permettrait de garantir le succès politique et financier de cette conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial, d’assurer l’investissement des autres membres du G7 dans la santé mondiale et de mobiliser de nouveaux acteurs afin d’éliminer les pandémies d’ici à 2030. La France a toujours affirmé son rôle de locomotive en matière de santé mondiale et, en 2019, il s’agira pour elle de ne pas rater le coche en prenant toute la mesure de ses engagements sur la scène internationale.

Pierre Cabaré, député de Haute-Garonne (La République en marche) ; Jean-Luc Lagleize, député de Haute-Garonne (Mouvement démocrate) ; Michel Larive, député de l’Ariège (La France Insoumise) ; Gabriel Serville, député de Guyane (Gauche démocrate et républicaine) ; Jean Spiri, conseiller régional d’Ile-de-France (Les Républicains) ; Laurence Trastour-Isnart, députée des Alpes-Maritimes (Les Républicains).