Au procès du meurtre de la jeune fille au pair Sophie Lionnet, les revirements de Ouissem Medouni
Au procès du meurtre de la jeune fille au pair Sophie Lionnet, les revirements de Ouissem Medouni
Par Eric Albert (Londres, correspondance)
Ouissem Medouni chargeait toute la responsabilité du meurtre de la jeune fille au pair sur sa femme, Sabrina Kouider. Jeudi, le procureur l’a accusé d’y avoir participé.
Marche blanche en l’honneur de Sophie Lionnet, le 8 octobre à Wimbledon. / NIKLAS HALLE'N / AFP
Jour après jour, le procès du meurtre de Sophie Lionnet devant la cour criminelle de Londres détaille un peu plus la folie dans laquelle semblaient s’être enfoncés Ouissem Medouni et Sabrina Kouider. Le couple français, qui habitait à Wimbledon, au sud de Londres, est accusé d’avoir assassiné la jeune fille au pair, puis d’avoir brûlé son corps pour tenter de le faire disparaître. Seule l’intervention des pompiers face à l’étrange brasier avait permis de découvrir le cadavre, le 20 septembre 2017.
La jeune fille au pair a vécu une longue descente aux enfers, dans une atmosphère de plus en plus paranoïaque et hystérique. L’obsession du couple tournait autour de Mark Walton, ancien compagnon de Sabrina Kouider. Selon eux, l’homme était un pédophile, et tous deux l’accusaient de violer ses deux enfants.
Récit fantasque
Le couple prétendait ainsi que Mark Walton se serait même introduit chez lui, après avoir drogué la famille, et qu’il aurait abusé des enfants, tout en prélevant du sperme à Ouissem Medouni. Le couple accusait leur jeune fille au pair, Sophie Lionnet, d’être la complice de M. Walton, lui ouvrant la porte de la maison familiale et emmenant les enfants chez lui. Mais M. Walton habitait à l’époque aux Etats-Unis, et son passeport prouve qu’il ne s’est pas rendu au Royaume-Uni pendant l’année 2017. De même, la maison où les enfants étaient prétendument emmenés pour y être violés n’a jamais été retrouvée. L’histoire avait été entièrement inventée.
Le couple semble pourtant s’être persuadé de sa véracité. Sabrina Kouider a été la première à en parler, elle qui était obsédée par son ancien amant et qui en parlait presque quotidiennement depuis des années. Progressivement, elle a réussi à convaincre Ouissem Medouni. Ensemble, ils ont extirpé des « aveux » à Sophie Lionnet, qu’ils ont filmés. Jeudi 26 avril, interrogé par le procureur, Ouissem Medouni semblait toujours y croire. « Mark Walton travaillait dans l’industrie de la musique. Il a pu changer de nom et venir secrètement [au Royaume-Uni] », a-t-il argumenté. Selon lui, les « révélations » de Sophie Lionnet lors de ses aveux filmés étaient « gravissimes ».
Changements de versions
La défense de Ouissem Medouni tente de le présenter comme quelqu’un de faible, manipulé par sa compagne. L’homme a affirmé n’avoir jamais frappé Sophie Lionnet, et n’avoir pas participé au meurtre, dont sa compagne serait la seule responsable. Selon son récit du drame, sa compagne l’aurait réveillé alors que le corps sans vie de la jeune fille au pair gisait dans la salle de bain. Ouissem Medouni reconnaît qu’après avoir tenté pendant une heure de la ranimer, il a caché le cadavre et a tenté de le brûler.
Jeudi, le procureur a mis à mal cette ligne de défense. Le magistrat a notamment mis en avant les différentes versions présentées par Ouissem Medouni aux enquêteurs. En janvier, l’homme avait ainsi d’abord déposé un premier témoignage dans lequel il décrivait la mort de la jeune fille au pair comme un accident. Selon lui, lors d’un « interrogatoire » de Sophie Lionnet mené dans la baignoire, celle-ci se serait cogné la tête contre le carrelage.
Mais Ouissem Medouni a ensuite changé de version, parlant d’une perte complète de contrôle de sa part, ce qui permettrait de requalifier le meurtre d’homicide involontaire.
Désormais, dans une troisième version, il affirme n’avoir jamais levé la main contre la jeune Française, et charge sa compagne. « Je suggère qu’au moins une fois, vous avez torturé Sophie avec Mme Kouider », l’accuse le procureur. Selon lui, le meurtre était prémédité, pour éviter que la jeune fille au pair ne révèle ses mauvais traitements à la police :
« Qu’est-ce qui aurait pu l’empêcher de dire que vous êtes des maniaques, des fous, qui la battent, ne la paient pas, lui mettent la tête sous l’eau et lui font raconter des choses folles sur des prélèvements de sperme ? »
A l’audience, Ouissem Médouni a continué à démentir fermement. Il continuera de témoigner vendredi.