« L’heure est à la rupture et à l’innovation. » / Léa Chassagne/Le Monde Campus

Editorial. Quel lien entre Calvin, héros populaire de la bande dessinée américaine Calvin et Hobbes, et Emmanuel Macron ? Le goût de la rupture, de l’innovation, de l’imagination ? Originaire de Picardie comme Jean Calvin (1509-1564), dont s’est ironiquement inspiré le dessinateur américain de bande dessinée Bill Watterson pour baptiser son héros hyperactif et plein de fantaisie, le président Macron a, semble-t-il, aussi un point commun avec le célèbre théologien : le goût de la réforme. Formation professionnelle, apprentissage, assurance-chômage, fonction publique et, bientôt, retraite sont au programme pour transformer radicalement le fonctionnement du marché du travail. Jeunes diplômés : attention réformes !

Alors que les belles perspectives de recrutement pour les jeunes diplômés, y compris les moins expérimentés, auraient pu laisser espérer un retour de la sérénité à l’entrée du marché du travail en 2018, les repères qui guidaient jusqu’alors le parcours professionnel, tels que les statuts d’emploi, l’accès à la formation, le dialogue social, la rupture du contrat, l’indemnisation-chômage, sont effacés par une succession de projets de loi destinés à adapter la société à la révolution technologique à l’œuvre.

L’heure est à la rupture et à l’innovation. Une récente étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), « Automatisation, compétences et formation », a évalué l’impact de cette « révolution » sur l’emploi. Elle estime que les emplois de 66 millions de travailleurs des trente-deux pays observés sont fortement automatisables, soit 14 % environ du total. Et 32 % d’autres emplois exigeront de nouvelles compétences pour 50 % à 70 % de leur activité.

Réflexion est ouverte dans les entreprises

Le rythme de la formation professionnelle doit donc suivre pour assurer la transformation des métiers, intégrer l’intelligence artificielle et faciliter l’interdisciplinarité. « Le défi pour le système de formation professionnelle des adultes est considérable », souligne l’OCDE. Le sujet est donc à la fois urgent et sérieux.

La réflexion est ouverte dans les entreprises. « On est dans une période particulière de l’histoire. Il y a une certaine urgence à s’interroger sur les nouvelles manières de faire pour préparer le futur. Car si la réinvention des métiers a déjà existé par le passé, ce qui est nouveau c’est l’accélération portée par le numérique », soulignait le 11 avril Laurence Lehmann-Ortega, professeure de stratégie et politique à HEC Paris, lors du colloque « Comment et jusqu’où réinventer l’entreprise ? »

Bref, les organisations inventent en marchant et voudraient marcher de plus en plus vite. Et l’Etat leur emboîte le pas. Le gouvernement a lancé le « big bang » de la formation professionnelle : un compte personnel de formation, 500 euros par an et une application numérique dès 2019 pour déterminer son avenir en un clic… Même les indépendants y auront droit. Le statut cadre doit être redéfini et la fonction publique réformée : elle recrutera davantage de contractuels, quitte à brouiller les frontières entre privé et public. Le Calvin de Bill Watterson voit rarement l’emballement de ses inventions avant le crash final, mais le très sérieux Jean Calvin n’a jamais cédé à la tentation de la pensée magique.

Cet article est tiré du semestriel « Le Monde Campus » téléchargeable ci-dessus.