Le rassemblement, au cœur du 1er-Mai du Front national
Le rassemblement, au cœur du 1er-Mai du Front national
Par Lucie Soullier (Envoyée spéciale à Nice)
La « fête des nations », organisée à Nice, a été l’occasion pour Marine Le Pen de montrer qu’elle dispose d’alliés à l’échelle européenne.
Marine Le Pen se réjouit de cette « fête des Nations », à Nice. / ERIC GAILLARD / REUTERS
L’affiche décrétait que l’événement serait une « fête ». Le 1er-Mai du Front national (FN), à Nice, était l’occasion pour Marine Le Pen de poser « la première pierre » à son « Europe des nations » à un an du scrutin européen, affirmait-elle le matin même, lors d’un bref hommage à Jeanne d’Arc à Cannes – tradition frontiste oblige. L’occasion, surtout, de montrer qu’elle était toujours capable de rassembler autour d’elle. Si ce n’est en France, où ses alliés potentiels restent frileux depuis la présidentielle, à l’image de Nicolas Dupont-Aignan, du moins à l’échelle européenne. Une « préfiguration » de la campagne prochaine, souriait un cadre frontiste.
Mais cette « fête des nations » organisée par le Mouvement de l’Europe des nations et des libertés (MENL) – rassemblant partis populistes et d’extrême droite, dont le FN – a été quelque peu ternie par l’absence des deux têtes d’affiche de la droite nationaliste européenne. L’annulation de Matteo Salvini était attendue. Le chef de file de la Ligue italienne, en pleines tractations gouvernementales pour la conquête de Rome, avait tout de même pris le soin d’enregistrer un message vidéo de soutien à son alliée française.
La défection de Geert Wilders, annoncée à la dernière minute, a occasionné davantage de surprise et de déception dans les rangs frontistes. Officiellement, le dirigeant du Parti pour la liberté (PVV) devait « préparer sa défense aux Pays-Bas », selon le président belge du MENL, Gerolf Annemans. Un mot d’excuse venu rappeler le visage sulfureux des partenaires européens du FN. Geert Wilders doit en effet comparaître en appel le 17 mai dans une affaire pour laquelle il a été condamné pour incitation à la discrimination, en décembre 2016. Le dirigeant eurosceptique et anti-islam avait demandé en mars 2014 à ses partisans s’ils voulaient « plus ou moins de Marocains ». Réponse de la foule : « Moins ! Moins ! Moins ! » « Nous allons nous en charger », avait alors rétorqué le chef de file de l’extrême droite néerlandaise.
Vague nationaliste en Europe
A Nice, les dirigeants des « partis frères » présents ont préféré appuyer sur les « bonnes nouvelles » et un sentiment partagé : que le « vent », la « vague », « l’histoire » allait dans le sens des nationalistes en Europe. Et de citer la réélection de Viktor Orban en Hongrie, le score de Matteo Salvini en Italie, la présence de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle en France, le FPÖ au sein de la coalition autrichienne au pouvoir…
« Cela signifie que nous sommes tous sur la bonne voie », s’est enthousiasmé Veselin Mareshki, président de la Volya bulgare. « Il revient à la mode de dire “je suis fier de ma culture, fier de mon pays” », a acquiescé l’Autrichien Harald Vilimsky, secrétaire général du FPÖ, avant de prévenir : « Nous étions un parti d’opposition et sommes devenus un parti au pouvoir mais cela signifie que l’on doit toujours négocier nos positions, faire des concessions. » Un cadre frontiste soupirait il y a quelques semaines en évoquant la stratégie d’alliance de son parti, estimant que le compromis n’était justement « pas vraiment dans l’ADN du FN ».
« Situation favorable comme jamais »
Pas de quoi faire changer de cap à Marine Le Pen, revigorée par une embellie, après un an de crise post-présidentielle. Le projet de loi asile immigration débattu à l’Assemblée nationale a remis le parti d’extrême droite au centre du jeu politique en France ; un sondage réalisé par l’IFOP-Fiducial, paru dans Paris-Match mi-avril, crédite quant à lui la dirigeante frontiste de 23 % des intentions de vote si la présidentielle avait lieu aujourd’hui… contre 8 % pour le président des Républicains, Laurent Wauquiez.
Ajoutez à cela, conclut-elle à la tribune niçoise, un nouveau « rapport de force » en Europe avec la « poussée des nationalistes », et la patronne de l’extrême droite française ose pointer une « situation favorable comme jamais » pour que le FN et ses alliés prennent le pouvoir au sein du Parlement européen, dans un an.
Pour cela, Marine Le Pen sait qu’elle doit d’abord fédérer plus largement autour d’elle, en France. A Nice, elle a donc répété son ambition de parvenir à créer « une liste d’ouverture qui accueillera tous les courants souverainistes, d’où qu’ils viennent, qui sont attachés à la nation ». Une nouvelle main tendue « au-delà du FN », restée pour le moment sans réponse. Mais quoi de mieux, pour rassembler, qu’un ennemi commun ? La présidente du FN a donc réservé ses saillies les plus musclées à Emmanuel Macron, affirmant ici qu’il « prépare la bifurcation identitaire de l’Europe et de la France », taclant là son « Europe souveraine, voire impériale ».
Et c’est peut-être en cela que ce 1er-Mai préfigure la future campagne du FN : une tribune européenne, mais avec un objectif bien français. Celui d’imposer son clivage « mondialistes/nationaux » tant théorisé, et tenter de faire oublier le désastreux débat de l’entre-deux-tours en incarnant la seule opposition audible face à Emmanuel Macron. L’état-major frontiste préfère prévenir : la campagne n’est pas encore lancée.