Des fans de l’Olympique de Marseille célèbrent la qualification de leur équipe en finale de l’Europa League, le 3 mai. / PHILIPPE LAURENSON / REUTERS

Un moment attendu depuis quatorze ans et cette finale de coupe de l’UEFA 2004 perdue contre Valence (2-0). Un scénario étouffant qui a bien failli tourner au cauchemar. Mais au bout de l’angoisse, des ongles grignotés, des regards qui se cachent pour ne pas voir les occasions autrichiennes, une joie immense, indescriptible. Et une ville qui bascule dans l’euphorie collective, déversant des flots de supporters vers le Vieux-Port, klaxons hurlants.

« Ça ne s’explique pas, on est le plus grand club de France. C’est magnifique » balbutie Stan, 20 ans, les bras en croix, en extase tout en bas de la tribune Ganay du stade Vélodrome. Derrière lui, la fan zone qui, ouverte pour la première fois, a accueilli plus de 20 000 téléspectateurs, exulte.

L’OM vient de se qualifier à plus de mille kilomètres de là pour la cinquième finale européenne de son histoire – mercredi 16 mai prochain à Lyon contre l’Atletico Madrid – et son « peuple », comme l’a justement titré le matin même le quotidien La Provence, est au paradis. « Un engouement comme ça, une tribune pleine pour regarder un écran géant, tu ne vois pas ça ailleurs » sourit Marc, écharpe bleue et blanche autour du cou, rayonnant.

K.-O. frôlé

Jérémy, lui, avait raison. Sur le parvis du stade Vélodrome quelques heures plus tôt, ce Marseillais de 26 ans avait pronostiqué une victoire de Salzbourg 2 buts à 1. Et une qualification de l’OM pour l’ultime défi européen de sa saison, sur la pelouse du Groupama Stadium de Lyon. Mais ce que Jérémy n’avait pas prévu, c’est que cette qualification interviendrait après 116 minutes de jeu et que les Marseillais frôleraient le K.-O. à plusieurs reprises avant la délivrance.

Depuis plusieurs semaines, Marseille vit un engouement presque surréaliste au rythme de l’épopée européenne de l’OM. « On fait une belle saison en championnat, mais la coupe d’Europe, même la petite, la Ligue Europa, c’est l’ADN du club. Cette passion, c’est normal » explique Nicolas, 27 ans, abonné depuis 2010.

La faute à cette victoire du 26 mai 1993 en Ligue des Champions contre le Milan AC (1-0) qui vaut à l’OM de porter une étoile d’or sur son maillot. Mercredi 3 mai, veille du match, l’enthousiasme local avait atteint un premier pic au centre d’entraînement de La Commanderie. En partance pour l’Autriche, les joueurs de Rudi Garcia avaient eu droit à une haie d’honneur avec fumigènes et chants. « L’OM a toujours eu des supporters, mais ce qui manquait pour que ça redémarre comme ça, c’était des résultats », assure Grégory, tunique bleu et blanc sur le dos. « Depuis que McCourt a repris le club, on sent un nouvel esprit » assure ce militaire de 33 ans, venu au stade Vélodrome avec son fils Ugo, 16 ans depuis Saint-Chamas, à cinquante kilomètres de là. « Je pense que savoir que nous sommes là, 20 000 au stade, ça va leur donner encore plus de force même si le match se joue en Autriche » se convainc aussi Marie, 22 ans, supportrice olympienne qui habite dans le Territoire de Belfort.

Fan zone

Comme à chaque grand rendez-vous de l’OM, les Marseillais ont rempli les bars de la ville, se sont réunis entre amis dans leurs salons ou leurs jardins. Mais, pour la première fois, ils ont aussi eu l’opportunité d’aller vivre un match retransmis à la télévision dans l’antre de leur club. La création d’une fan zone, comme Marseille en a vécu pendant l’Euro 2016, est née sous la pression conjuguée de l’opinion publique, des réseaux sociaux et de certains opposants politiques. Le maire Jean-Claude Gaudin a donné son accord pour qu’un espace soit aménagé dans le stade Vélodrome, plus aisé à sécuriser. L’idée demandait à être validée dans les faits. Un peuple marseillais chauffé à blanc a confirmé qu’elle répondait à une véritable demande. Face à un écran géant de 103 mètres carrés installé de l’autre côté de la pelouse au pied de la tribune Jean-Bouin, plus de 20 000 personnes, jeunes ultras qui n’ont pas pu suivre les 1 500 Marseillais partis à Salzbourg, mais aussi familles au grand complet et touristes en vacances rêvant de découvrir le stade marseillais, ont donné de la voix pendant près de deux heures. Fumigènes, drapeaux, chants… Dans l’immensité du Vélodrome, l’ambiance n’avait pas la chaleur de celle d’un stade plein, mais, debout sur les sièges, les supporters ont vécu le match en pleine communion. Satisfaisante aux yeux des élus locaux, l’expérience sera renouvelée le 16 mai prochain pour la finale.

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Enervement général

La première mi-temps a été joyeuse. Au diapason de supporters qui, depuis la victoire 2-0 de l’aller, semblaient sûrs que rien ne pourrait arriver à leur équipe. La seconde sera étouffante. Et les deux prolongations vont laisser les fans marseillais exsangues. « Ce n’est pas le scénario qu’on attendait. Mais si on marque, on passe », tente de se convaincre Pablo, venu avec ses copains du lycée. Autour de lui, la frustration s’exprime dans la tension.

Quelques accrochages mettent la sécurité sur les nerfs. Les erreurs grossières d’arbitrage qui ont privé l’OM d’un pénalty pour une main autrichienne et d’une occasion en or pour Njie ajoutent à l’énervement général. L’explosion de bonheur finale n’en sera que plus forte.
L’OM 2017-2018 réussit donc là où l’Olympique Lyonnais 2016-2017 a échoué. Eliminé il y a un an par l’Ajax d’Amsterdam au même stade de la même compétition, le club de Jean-Michel Aulas va, en prime, voir son rival numéro un en France venir disputer la finale européenne sur sa propre pelouse. Depuis plusieurs semaines, les supporters olympiens se délectent de cette hypothèse alors que les polémiques s’enchaînent entre dirigeants et joueurs des deux clubs. La fin du match à peine sifflée, alors que la course aux billets pour la finale n’était pas encore lancée, un seul chant est encore monté vers les cintres du stade Vélodrome : « Jean-Michel Aulas, on va la gagner chez toi »…