Lafarge en Syrie : des documents « secret défense » déclassifiés
Lafarge en Syrie : des documents « secret défense » déclassifiés
Le Monde.fr avec AFP
Une quarantaine de documents provenant des services de renseignement français pourraient être versés au dossier d’instruction sur les activités du groupe, soupçonné d’avoir financé l’EI.
La cimenterie du groupe Lafarge à Jalabiya, en Syrie, le 18 février. / DELIL SOULEIMAN / AFP
La commission du secret de la défense nationale a donné son accord à la déclassification de documents « secret défense » concernant les activités du cimentier Lafarge en Syrie, au cœur d’une enquête sur des soupçons de financement de groupes djihadistes.
Ces avis favorables, émis le 18 avril et publiés au journal officiel le 3 mai, visent une quarantaine de documents provenant de trois services de renseignement : la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), la direction du renseignement militaire (DRM) et la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).
La commission avait été saisie après des demandes de déclassification adressées au ministre de l’intérieur Gérard Collomb, le 12 janvier, et à la ministre des armées, Florence Parly, le 26 mars, par la juge Charlotte Bilger en charge de cette enquête pour « financement du terrorisme » et « mise en danger délibérée de la vie d’autrui ». Il appartient désormais aux ministres de donner leur accord pour que ces pièces confidentielles soient versées au dossier d’instruction.
Transactions suspectes
Pour continuer à faire tourner son usine syrienne de Jalabiya malgré la guerre, Lafarge a dépensé près de 13 millions d’euros dans des transactions suspectes, dont une partie aurait profité au groupe Etat islamique, selon un rapport du cabinet d’expertise-comptable PricewaterhouseCoopers (PWC).
Les flux litigieux identifiés recouvrent des achats de matières premières, dont du pétrole, à des fournisseurs susceptibles d’être liés aux djihadistes, des paiements de taxes pour assurer la sécurité de l’usine ou les droits de passage de salariés et des versements à des intermédiaires chargés de négocier avec l’organisation EI.
Les enquêteurs cherchent à déterminer jusqu’à quel point la direction à Paris du groupe était au courant de ces arrangements avec les groupes armés djihadistes, et si la diplomatie française a ou non laissé faire.
Bénéficiaires djihadistes
Sept ex-cadres ou dirigeants de Lafarge, dont l’ex-PDG Bruno Lafont, ont été mis en examen pour « mise en danger délibérée de la vie d’autrui » et six d’entre eux pour « financement d’une entreprise terroriste ».
Plusieurs associations ont été admises à se constituer parties civiles dans ce dossier : Sherpa et le Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits de l’Homme (ECCHR) puis la Coordination des chrétiens d’Orient en danger (Chredo) ainsi que Life for Paris, qui défend des victimes des attentats parisiens du 13 novembre 2015, commandités par le groupe EI.
Lafarge, qui a fusionné en 2015 avec le Suisse Holcim, avait fini par abandonner sa cimenterie en septembre 2014 quand l’organisation djihadiste s’en était emparée.