Pour intégrer une grande école, être bon à l’écrit ne suffit pas. Il faut aussi savoir maîtriser l’oral. / Ecole polytechnique - J. Barande / CC BY-SA 2.0

C’est l’un des paradoxes du système éducatif français. Alors que durant leur scolarité, les élèves ont essentiellement été évalués à l’écrit, l’oral devient de plus en plus déterminant pour accéder aux meilleures écoles. « Auparavant, la sélection reposait sur l’écrit. Mais la massification de l’enseignement a changé la donne. Désormais, la distinction se joue aussi sur la maîtrise de l’oral », analyse Roberte Langlois, docteure en sciences de l’éducation. L’instauration en 2021 d’un grand oral au bac, envisagé dans le cadre de la réforme annoncée le 25 janvier, pourrait renforcer ce processus.

« On ne veut pas que des premiers de la classe, on a aussi besoin de jeunes qui savent communiquer », indique Claude Maranges, président de la commission d’admission du groupe INSA

Les écoles aiment les oraux, car ils permettent de repérer des étudiants qui ont peut-être rendu des copies moyennes, mais qui sont en adéquation avec les exigences de la formation. « L’intégralité de l’échelle de notation est utilisée. On demande aux jurys d’éviter les notes médianes », confie Patrice Houdayer, directeur des programmes, de l’international et de la vie étudiante à Skema Business School.

Les jurés sont à l’affût de profils variés. « Deux très bons bacheliers peuvent être différents en termes de personnalité, de potentialité. Nous préférons quelqu’un qui est passionné par la littérature, la musique ou qui a roulé sa bosse en vendant des chaussures sur le marché », confie Cyril ­Delhay, professeur d’art oratoire à Sciences Po. « On ne veut pas que des premiers de la classe, on a aussi besoin de jeunes qui savent communiquer », complète Claude Maranges, président de la commission d’admission du groupe d’écoles d’ingénieurs INSA.

Surtout, les écoles tentent de déceler chez les candidats les qualités humaines que rechercheront les employeurs. C’est dans cette optique que ­l’Edhec Business School a, en 2017, transformé son entretien en épreuve collective. « L’ancien format ne nous permettait pas d’évaluer des qualités comme l’innovation, l’engagement, le travail en équipe », précise Michelle Sisto, directrice des programmes Masters & PhD.

Des clubs d’art oratoire

Mais les oraux, quelle que soit leur forme, demeurent paralysants pour la majorité des étudiants. « Ils les redoutent, car ils ont été peu formés à prendre la parole durant leur scolarité. D’où la vogue de l’art oratoire », constate Juliette Dross, maîtresse de conférences en langue et littérature latines à Sorbonne Universités et responsable du concours Fleurs d’éloquence.

Les conseils dispensés dans les clubs d’art oratoire aident à prendre confiance. « Des jeunes qui avaient des difficultés ont beaucoup progressé en pratiquant », assure ­Romain Decharne, président-fondateur de la Fédération francophone de débat (FFD), qui organise des entraînements gratuits à l’oral de Sciences Po.

La gestion du stress vient également avec un travail en amont. « Le candidat doit se questionner, savoir pourquoi il passe ce concours. Ça nécessite une maturation de plusieurs mois », estime Cyril Delhay. Pour les oraux disciplinaires, il ne faut pas non plus s’y prendre à la dernière minute. Antonin Ramon, admis à HEC l’an dernier, s’était attelé très tôt aux révisions. « Pensant qu’ils ne seront pas admissibles, observe-t-il, beaucoup ne travaillent pas les matières qui seront évaluées à l’oral. C’est une énorme erreur. »

Découvrez notre dossier spécial sur les concours

Le Monde a publié, dans son édition datée du jeudi 8 février, un supplément dédié aux nombreux concours de l’enseignement supérieur, qu’il s’agisse de l’accès aux études de médecine, aux grandes écoles, et des « prépas » qui permettent de les réviser. Voici les principaux :