Jusqu’à 10 000 euros de récompense. C’est ce que propose l’ONG de défense des océans Sea Sheperd à qui permettra de faire avancer l’enquête pour retrouver des tueurs de phoques. Depuis janvier, trois phocidés ont été retrouvés tués, roués de coups ou criblés de plombs sur des plages du littoral du Nord. Le premier sur une plage de Oye-Plage et les deux autres sur une plage du Touquet (Pas-de-Calais).

L’ONG a doublé la mise par rapport à une première proposition de 5 000 euros, qui n’avait pas permis d’obtenir d’informations à même de faire avancer l’enquête, selon le quotidien régional Nord Littoral. L’association est coutumière de ces récompenses pour retrouver des braconniers. « On y a recours quand les enquêtes piétinent, explique la présidente de l’association, Lamya Essemlali, au Parisien. Ça surprend encore en France, mais nous voulons agir. Nous ne voulons pas laisser un sentiment d’impunité s’installer chez les tueurs de phoques du Pas-de-Calais, qui est quand même le seul endroit en France où il existe un comité antiphoques, même si je ne les mets pas directement en cause. »

Enquête judiciaire ouverte

L’association a également fait savoir qu’elle va porter plainte, comme l’ont déjà fait avant elle deux associations : le Groupement de défense de l’environnement dans l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer (GDEAM-62), dont les membres avaient découvert les deux phoques tués le 6 mai, et la Ligue de défense des animaux (LPA), après que le premier phoque avait été découvert début janvier. La Fondation Brigitte Bardot veut également porter plainte.

L’autopsie, réalisée à la faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Liège, en Belgique, a révélé que le premier phoque avait reçu « huit plombs de chasse de gros diamètre au niveau du thorax » et des coups « violents au niveau du cou alors qu’il était agonisant, entraînant une hémorragie fatale », selon un communiqué de GDEAM-62 publié sur Facebook. Le second, bagué, est mort d’asphyxie, « probablement pris dans un engin de pêche provoquant sa noyade », et a également reçu des coups mais « nettement moins violents ».

Une enquête judiciaire a été ouverte par le parquet de Boulogne-sur-Mer, selon Le Parisien, qui va être confiée au commissariat local. Les policiers privilégient la piste d’un acte commis par des pêcheurs, toujours selon le quotidien. Les enquêteurs sont toutefois pessimistes quant à la possibilité de remonter jusqu’aux auteurs. « Il y a rarement de témoins en mer, explique l’un d’eux au Parisien. Et, contrairement à d’autres armes, les balles de fusils de chasse ne disposent pas de signature, ce qui aurait pu permettre de retrouver les propriétaires. »

D’où la récompense proposée par Sea Sheperd pour espérer faire parler d’éventuels témoins. « On va se pencher davantage sur le problème, d’autant qu’il y en a peut-être plus que ces trois cas précis. On ne retrouve pas tous les corps, et il n’y a pas toujours d’autopsie. Mais à notre connaissance, on n’a pas de cas similaires de phoques abattus à coups de plombs, sur les côtes françaises. C’est vraiment spécifique au littoral du Nord », explique Lamya Essemlali.

Le comité antiphoques se défend

Bien qu’elle ne les accuse pas directement, l’association ne cache pas ses soupçons à l’égard du comité antiphoques. « En France, il n’y a pas d’autre collectif antiphoques que dans cette région. Ça mérite qu’on s’interroge, même si on ne peut rien prouver », estime Mme Essemlali.

Interrogé par Nord Littoral, le président de ce comité, Fabrice Gosselin, s’est défendu : « Quand on a ouvert un site internet pour le collectif antiphoques, on a vite renoncé : on se faisait insulter par des écolos de partout, jusqu’à Strasbourg ! Mais on n’est pas des tueurs sanguinaires, comme certains essayent de le faire croire. Un pêcheur, c’est d’abord un écologiste ! On est les premiers à dénoncer la pollution et les chaluts électriques… »

Reste que le collectif plaide toujours pour la mise en place d’une régulation de la population des phoques. « En Ecosse, ils autorisent la régulation des phoques à proximité des élevages de saumon, et ils ne sont pas en voie de disparition… On veut juste trouver un juste milieu. »

Entre 500 et 600 phoques, gris et veau marin, protégés depuis les années 1970, vivent selon lui au large des côtes du nord de la France, depuis la baie de Somme jusqu’à la Belgique.