Cannes 2018 : « Samouni Road », une famille de Gaza entre documentaire et animation
Cannes 2018 : « Samouni Road », une famille de Gaza entre documentaire et animation
Par Mathieu Macheret
Mêlant prives de vues réelles et scènes animées, le film de Stefano Savona, projeté à la Quinzaine, est une œuvre indispensable.
Après l’extraordinaire Tahrir, place de la libération (2011), sur la révolution égyptienne, le Palermitain Stefano Savona, archéologue de formation, continue de documenter la situation du Moyen-Orient (où l’avaient d’abord conduit ses fouilles), puisque Samouni Road, à l’affiche de la Quinzaine des réalisateurs, se déroule à Gaza. Le film remonte à un moment particulier de la guerre : l’opération « Plomb durci », frappes de l’armée israélienne qui causèrent des pertes humaines et matérielles massives parmi les civils palestiniens.
Samouni Road new clip official from Cannes – 3/4
Durée : 02:04
Il s’attache plus particulièrement à une famille des faubourgs de Gaza, les Samouni, qu’il filme d’abord peu après l’attaque, puis un an plus tard, pendant la préparation d’un mariage. Ce faisant, la question qu’il pose est essentielle : comment, après une telle déflagration, reconstituer la trame pulvérisée du temps et l’idée même de « continuité » que toute famille incarne ?
Traces d’un monde détruit
La particularité du film est de ponctuer les prises de vues réelles par des scènes d’animation, de style crayonné en traits blancs sur fond noir, conçues par l’animateur Simone Massi, qui consistent à recréer les souvenirs des survivants avant l’attaque, traces d’un monde désormais détruit. Le parti pris s’avère discutable.
Une image extraite du documentaire français et italien de Stefano Savona, « Samouni Road ». / JOUR2FÊTE
D’abord parce que les passages filmés, incroyablement forts, se suffisent à eux-mêmes. On y voit tout : les vies ravagées (les Samouni ont perdu une trentaine de parents pendant le conflit), les existences suspendues, le désespoir, les bâtiments rasés, les pénuries de vivres. Mais aussi : le culte entretenu des martyrs et la récupération politique du Hamas, qui, visitant les familles endeuillées, ne se prive pas d’instrumentaliser à son profit leur douleur.
L’image documentaire confronte dialectiquement, par le montage, ces différentes facettes d’une réalité infiniment complexe. L’animation, en revanche, lui substitue un registre strictement illustratif, trop univoque et non sans lourdeur quand il s’agit, par exemple, de reconstituer la visée d’un drone bombardier. Elle indique, en tout cas, un certain manque de confiance de la part de Savona, en la capacité du pur documentaire, non seulement à susciter l’imagination du spectateur, mais à capter toujours bien plus qu’il ne s’en trouve devant l’objectif. Samouni Road n’en demeure pas moins, pour son travail de première importance, une œuvre indispensable.
Samouni Road new clip official from Cannes – 2/4
Durée : 02:02
Documentaire italien et français de Stefano Savona (2 h 08). Sortie en salle le 7 novembre. Sur le Web : www.jour2fete.com/distribution/samouni-road