Cannes 2018 : avec Luis Ortega, méfiez-vous des anges
Cannes 2018 : avec Luis Ortega, méfiez-vous des anges
Par Véronique Cauhapé
Le cinéaste argentin convoque le western, les films de gangsters, la comédie ou encore « Pierrot le fou » pour raconter l’histoire d’un adolescent meurtrier.
Que l’adolescence est belle quand elle prend les allures de Carlitos (Lorenzo Ferro) déambulant dans les rues de Buenos Aires ! Démarche souple, boucles blondes à faire pâlir le soleil, lèvres pleines et rouges comme des pétales, on lui donnerait le bon Dieu sans confession. Un « ange », tel que le pose le titre du film. Un ange qui prend la vie comme elle vient et les richesses (matérielles) là où elles se trouvent. A savoir dans les luxueuses demeures de la ville où il pénètre avec l’agilité d’un chat, et d’où il ressort au volant d’une voiture de luxe, le butin dans le coffre.
Ainsi va son petit bonhomme de chemin jusqu’à ce que Carlitos rencontre Ramon (Chino Darin), beauté du diable, avec qui il s’associe pour le meilleur et pour le pire. Mus par une attirance un peu trouble, les lascars, forts d’être deux, n’hésitent pas à emprunter le versant plus abrupt de la montagne. Magasin d’armes, bijouterie… sont désormais leur terrain de jeu. Ils n’ont peur de rien, pas même des individus qui barrent leur route, ceux-là se retrouvant aussitôt envoyés d’une balle de revolver dans l’au-delà.
L’éclat de la pureté enfantine
Inspiré de l’histoire de Carlos Eduardo Robledo Puch, l’un des plus grands tueurs en série de l’histoire de l’Agentine, né en 1952, surnommé « L’Ange de la Mort » par la presse et condamné en 1972 à la réclusion à perpétuité (pour, entre autres, dix-sept cambriolages et onze meurtres), le film de Luis Ortega prend à contre-pied la noirceur de son sujet. En l’enveloppant d’une humeur joyeuse, en l’élevant vers l’éclat de la pureté enfantine, il en fait un objet solaire, plein d’éclats – humoristiques, artistiques, scénaristiques. L’Ange a certes parfois un regard de démon, il n’en est pas moins un gamin qui agit sans notion du bien et du mal, avec la légèreté d’une innocence dont le cinéaste nous laisse croire qu’elle le définit tout entier.
Pour décrire cette figure quasi allégorique – et le duo qu’il forme avec Ramon –, le cinéaste argentin convoque le western, les films de gangsters, la comédie, Pierrot le fou (Jean-Luc Godard), Bonnie et Clyde (Arthur Penn), avec l’esprit joyeux et le cœur léger. L’Ange s’éclaire du travail éblouissant de l’opérateur Julian Apezteguia mais aussi de l’interprétation des acteurs dont aucun rôle, fut-il secondaire, n’est délaissé. Bien au contraire, c’est toute une troupe que met en scène ce quatrième long-métrage de Luis Ortega, sélectionné à Un certain regard, avec des gueules, des allures et des répliques qu’on n’oublie pas. Cet Ange meurtrier nous transporte dans une chevauchée fantastique, au cœur du Buenos Aires des années 1970, avec la dextérité et la profusion d’attractions d’un parc à thèmes où les manèges, les grands huit et les trains fantômes nous mettent sens dessus dessous.
El ANGEL | TEASER | PRÓXIMAMENTE - SOLO EN CINES
Durée : 01:03
Film argentin de Luis Ortega. Avec Lorenzo Ferro et Chino Darin (2 heures). Sortie en salle prochainement. Sur le Web : www.ugcdistribution.fr/film/lange