Les manœuvres américano-coréennes et l’entourage de Trump au cœur des menaces de Pyongyang
Les manœuvres américano-coréennes et l’entourage de Trump au cœur des menaces de Pyongyang
Par Pierre Bouvier
Malgré les menaces de Pyongyang, Washington a toujours espoir que le sommet prévu le 12 juin entre le président américain et son homologue nord-coréen, Kim Jong-un, se tiendra.
Le régime communiste a annulé une rencontre de haut niveau avec la Corée du Sud pour protester contre les manœuvres aériennes annuelles baptisée « Max Thunder ». / HANDOUT / REUTERS
Coup de bluff ou menace sérieuse ? Kim Kye-gwan, le ministre des affaires étrangères adjoint nord-coréen, a annoncé, mardi 15 mai, qu’il envisageait l’annulation du sommet prévue le 12 juin entre Kim Jong-un et Donald Trump si Washington cherchait à acculer son pays à renoncer unilatéralement à son arsenal nucléaire.
Pour accroître la pression, le régime communiste a aussi annulé une rencontre de haut niveau avec la Corée du Sud pour protester contre l’exercice militaire annuel « Max Thunder » qui implique des bombardiers stratégiques B-52, en cours entre Séoul et Washington, et qu’il qualifie de « provocation ».
Manœuvres régulières
Les manœuvres conjointes entre Etats-Unis et Corée du Sud ne sont pourtant pas une nouveauté pour la péninsule coréenne. Elles sont organisées depuis 1953, en vertu du traité de défense mutuelle entre Séoul et Washington, signé deux mois après l’armistice de Panmunjeom, le 27 juillet 1953.
Le site 38th North de l’institut américano-coréen de l’université John-Hopkins (Baltimore), qui analyse les relations dans la péninsule, rappelle qu’elles ont un objectif à la fois militaire et politique. Il est question d’abord de tester la préparation des deux armées face à l’armée nord-coréenne. Mais il s’agit aussi d’adresser un message politique à Pyongyang, à savoir que les alliés sont prêts à protéger l’Etat, le peuple et le territoire de la République de Corée.
Depuis le milieu des années 1970, les manœuvres se sont diversifiées, à mesure que la menace coréenne s’est renforcée :
- « Team Spirit » puis « Foal Eagle » : entre 1976 à 1993, ces manœuvres d’entraînement au combat engagent de 100 000 à 200 000 hommes ; elles sont mises entre parenthèses en 1992, 1994, 1995 et 1996, pour encourager la dénucléarisation de la Corée du Nord. En vain. Depuis 1997, ces manœuvres sont appelées « Foal Eagle ».
- « Key Resolve » : depuis 1997, en parallèle aux manœuvres « Foal Eagle », les manœuvres « Key Resolve » visent à renforcer la cohésion entre des états-majors sud-coréens et états-uniens.
- « Ulchi Freedom Guardian » : lancée en 1976, il s’agit de simulations sur ordinateurs.
- « Max Thunder » : il s’agit de manœuvres aériennes conjointes menées depuis 2017 par les Etats-Unis et la Corée du Sud au-dessus de la péninsule sud-coréenne.
Les exercices « Max Thunder », prétexte à la colère de Pyongyang
Les exercices aériens « Max Thunder » qui ont débuté le 11 mai pour une durée de deux semaines étaient prévus avant qu’émerge le projet de sommet entre les Etats-Unis et la Corée du Nord.
Pourtant, « il n’est pas surprenant de voir la Corée du Nord protester et percevoir la présence des bombardiers nucléaires B-52 comme une provocation », affirme Catherine Killough, une chercheuse au Ploughshares Fund, fondation américaine qui promeut la réduction et l’élimination des armes nucléaires, lutte contre l’émergence de nouveaux Etats nucléaires.
Pour Antoine Bondaz, chercheur pour la Fondation pour la recherche stratégique, l’annonce de Pyongyang « est une tactique de négociation de la part de la Corée du Nord ». Le régime l’a utilisée envers son voisin du sud, avant les Jeux olympiques de Pyeongchang, en organisant une importante parade militaire pour célébrer la fondation de l’armée populaire, défilé que Washington a considéré comme une démonstration des intentions bellicistes de Pyongyang.
Au-delà de Donald Trump, un message destiné à John Bolton
Mais, au-delà de Donald Trump, c’est à son nouveau conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, que le ministre des affaires étrangères adjoint de la Corée du Nord, Kim Kye-gwan, cherche à s’adresser. Celui-ci « a toujours été partisan de la manière forte contre la Corée du Nord et l’Iran, évoquant le modèle libyen pour la dénucléarisation du régime de Pyongyang », rappelle Catherine Killough. Pour la chercheuse américaine, Pyongyang n’abandonnera pas son arsenal nucléaire si cela signifie l’effondrement du régime.
Antoine Bondaz rappelle que John Bolton fait figure d’épouvantail pour le régime nord-coréen. En août 2003, les médias officiels de Corée du Nord traitaient celui qui n’était que sous-secrétaire d’Etat chargé des questions de désarmement dans l’administration de George W. Bush (notamment des dossiers concernant les programmes nucléaires de la Corée du Nord et de l’Iran), de « pourriture humaine », « suceur de sang ».
Après la dénonciation de l’accord sur le nucléaire iranien, « Donald Trump a besoin d’une victoire politique pour préparer les élections de la mi-mandat », reprend Antoine Bondaz. Pour l’obtenir, il est probable que l’administration Trump « encadre les propos de Bolton, clarifie sa position sur le processus de dénucléarisation, tout en maintenant le dialogue avec le Nord », ajoute Catherine Killough.
Mercredi, sur la chaîne Fox News, Sarah Sanders, la porte-parole de la Maison blanche, a déclaré que l’administration américaine conservait l’espoir que le sommet prévu le 12 juin à Singapour entre Donald Trump et Kim Jong-un ait bien lieu.
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