Les radars embarqués à bord de voitures banalisées qui roulent dans le flot de la circulation sont une arme déterminante pour la sécurité routière. Néanmoins, le gouvernement peut-il confier la conduite de ces voitures à des opérateurs privés ? La question se pose après la publication, par le Canard enchaîné du mercredi 16 mai, d’une note du ministère de l’intérieur qui exprime des doutes sur la légalité de cette externalisation.

A la différence des radars fixes ou des radars mobiles, les radars embarqués sont invisibles. Chacun peut donc craindre d’en avoir un derrière lui, ce qui l’incite à lever le pied. L’annonce de leur déploiement, au début de l’année 2013, a fortement contribué à la diminution de la mortalité.

Mais l’utilisation des radars embarqués mobilisait alors un conducteur ainsi qu’un passager chargé de régler l’appareil sur les différentes vitesses autorisées. Faute de personnel disponible chez les forces de l’ordre, les voitures-radars n’ont été utilisées en 2014 qu’une heure et treize minutes, en moyenne, par jour.

Lors du Comité interministériel de la sécurité routière du 2 octobre 2015, le premier ministre, Manuel Valls, a donc annoncé qu’il confierait leur gestion à des « opérateurs agréés ». Le 24 février 2017, la Sécurité routière a indiqué qu’elle lançait en Normandie une expérimentation. Un an plus tard, le 20 avril, elle a annoncé que la société Mobiom, filiale du groupe Challancin, avait obtenu le marché de la conduite des voitures-radars en Normandie. Cette société n’emploie qu’une seule personne, le conducteur, du fait les voitures ont été modifiées pour empêcher tout réglage manuel du radar.

« Prêt illicite de main-d’œuvre »

Dès 2015, les associations d’automobilistes ont protesté contre l’annonce de l’externalisation, synonyme, pour elles, de « recherche de rendement » et de multiplication des procès-verbaux (PV). La Sécurité routière a répondu que les prestataires seraient rémunérés en fonction du nombre d’heures passées à conduire, et non du nombre de flashs produits. Les associations ont alors contesté le fait que des opérateurs privés puissent exercer des missions de souveraineté. La Sécurité routière a répondu que le chauffeur se contenterait de tenir le volant et de suivre un itinéraire prescrit.

Néanmoins, l’association 40 Millions d’automobilistes a déposé un recours au Conseil d’Etat le 30 mars. Le Canard enchaîné apporte de l’eau à son moulin en publiant une note interne de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l’intérieur, rédigée le 30 mars 2017, soit un mois après le lancement de l’expérimentation : elle indique que cette dernière n’aurait été possible que « si elle avait été prévue par la loi », ce qui n’a pas été le cas.

En outre, contrairement à ce qu’indique la Sécurité routière, le simple fait de conduire un véhicule-radar pourrait être considéré « comme une activité matérielle de police ». Le contrat passé avec l’opérateur privé, qui utilise « les véhicules et le matériel mis à disposition par l’Etat », pourrait se voir « requalifié en “prêt illicite de main-d’œuvre” », prohibé par l’article L8241-1 du code du travail.

Par ailleurs, l’association Anticor a, le 18 janvier, demandé au parquet national financier (PNF) de diligenter une enquête sur les conditions d’attribution du marché des radars, à l’entreprise Fareco. 40 Millions d’automobilistes et la Fédération française des motards en colère demandent la suspension immédiate des voitures-radars.