Gina Haspel, devant la commission sénatoriale du renseignement, chargée de valider sa candidature. / Kevin Lamarque / REUTERS

Le rôle controversé de Gina Haspel dans des programmes de torture n’aura pas freiné son ascension. Le Sénat américain a confirmé, jeudi 17 mai, sa nomination à la tête de l’agence américaine du renseignement (CIA). Auparavant directrice adjointe de l’agence basée à Langley (Virginie), elle devient la première femme à la diriger, succédant à Mike Pompeo nommé secrétaire d’Etat.

« Félicitations à notre nouvelle directrice de la CIA », a tweeté le président Donald Trump, après qu’elle a obtenu la majorité des voix.

Spécialiste des opérations clandestines, cette Américaine de 61 ans était la candidate désignée par le chef d’Etat. Lors du vote, elle a obtenu le soutien de six élus de l’opposition démocrate pour obtenir 54 des 99 voix de la chambre haute du Congrès.

« La torture ne marche pas »

Elle avait créé la polémique pour avoir dirigé pendant une partie de l’année 2002 une prison secrète de la CIA en Thaïlande, où les détenus suspectés d’appartenir à Al-Qaïda étaient fréquemment torturés. Ils ont subi des simulacres de noyade (« waterboarding »), une technique illégale selon le code militaire mais qui figurait parmi celles autorisées par le président George W. Bush après les attentats du 11-Septembre. Elles ont été définitivement bannies par son successeur Barack Obama.

Auditionnée la semaine dernière par la commission sénatoriale du renseignement, chargée de valider sa candidature, elle avait promis que, sous sa direction, la CIA ne reprendrait pas ce programme controversé d’interrogatoires. Tout en estimant qu’il avait fourni « des informations de valeur » pour empêcher d’autres attentats, elle avait admis que « la torture ne marche pas ».

Plusieurs élus, démocrates comme républicains, s’étaient inquiétés de cette nomination attendue, qui envoyait selon eux un mauvais message sur la position des Etats-Unis concernant la torture. Mark Warner, vice-président démocrate de la commission, s’était toutefois dit convaincu qu’elle serait capable de « s’opposer au président si elle reçoit l’ordre de faire quelque chose d’illégal ou d’immoral – comme un retour à la torture ».

Une directrice polyglotte

Sa vie est longtemps restée un mystère. Née dans le Kentucky (centre-est), elle rejoint la CIA en 1985 après avoir étudié le journalisme et les langues étrangères. « Je voulais vivre des aventures à l’étranger où je pourrais utiliser mon amour pour les langues étrangères. La CIA me l’a permis », a-t-elle dit.

Après l’Afrique, elle se retrouve en Russie et en Europe de l’Est dans les années 1990 puis devient chef de poste en Azerbaïdjan. Gina Haspel intègre ensuite le centre antiterroriste de l’Agence le 11 septembre 2001, quand plusieurs attentats font près de 3 000 morts aux Etats-Unis. La période qui suit, entre 2001 et 2005, ternit sa biographie et l’image de la CIA avec son programme d’enlèvement et de détention illégale. Elle supervise notamment les interrogatoires des Saoudiens Abd al-Rahim al-Nashiri – considéré comme le cerveau des attaques contre le pétrolier français Limburg en 2002 et le navire américain USS Cole en 2000 – et Abou Zoubaydah, le premier membre influent présumé du réseau Al-Qaïda capturé par les Américains.

En 2008, Gina Haspel dirige les opérations de la CIA en Europe et devient directrice adjointe des opérations clandestines mondiales en 2012. Mais son passé la rattrape l’année suivante quand des parlementaires bloquent sa promotion comme directrice, rapporte le New York Times. Elle occupe un autre poste en Europe avant d’être nommée directrice adjointe de la CIA en 2017.

Un passif que condamnent les associations de défense des droits de l’Homme. Pour Human Rights Watch (HRW), c’est la conséquence « de l’échec des Etats-Unis à se confronter aux abus du passé ». Selon l’American Civil Liberties Union (ACLU), c’est une « tâche sur notre histoire, que nous regretterons ».