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A la 31e minute de la finale de la Ligue Europa entre l’Olympique de Marseille et l’Atlético Madrid, le capitaine olympien Dimitri Payet s’est allongé sur la pelouse, les mains sur le visage. Une blessure aux ischio-jambiers qu’il traînait depuis une semaine, et en dépit de laquelle il avait été titularisé, aura eu raison de son match.

Lorsqu’il se relève pour se diriger vers le banc, Payet éclate en sanglots. Il est réconforté par ses coéquipiers, et même certains adversaires, qui ont dû pressentir, comme lui, que ce n’était pas seulement son match qui était terminé, mais sa saison, et potentiellement la Coupe du monde en Russie, qui commence le 15 juin.

Le sélectionneur français, Didier Deschamps, a confirmé la sombre hypothèse en dévoilant la liste des 23 joueurs sélectionnés, le 17 mai. « Sans blessure, c’était un candidat sérieux à un poste dans les 23. (…) Il y a un délai de récupération pour ce type de blessure de trois semaines avant d’être apte à jouer. Mais comme c’est musculaire, il y a un risque important de nouvelle récidive », a-t-il justifié, refusant de partir en Russie avec des « incertitudes ou des points d’interrogation ». Deschamps a tiré un trait sur le Réunionnais puisque ce dernier n’est même pas dans la liste des réservistes. Et Payet, à 31 ans, est obligé de faire de même avec la Coupe du monde, un zénith footballistique qu’il ne connaîtra jamais.

Deuxième partie de saison incandescente

Ce n’est pas seulement le catalyseur créatif de l’OM qui a été perdu sur la pelouse de Lyon. Les Marseillais ne s’en sont d’ailleurs jamais remis, coulant progressivement en son absence. L’équipe de France a également perdu un joueur qui aurait pu apporter sa qualité technique en sortie de banc, ainsi que sa précision sur les coups de pied arrêtés. Le meneur de jeu avait, en outre, été un élément moteur des Bleus pendant l’Euro 2016, et notamment lors de la phase de poules.

France Roumanie - PAYET but fantastique !
Durée : 00:26

Depuis quelques mois, le Marseillais pratiquait un football incandescent : 10 buts et 20 passes décisives en 45 matchs après avoir été blessé ou hors de forme pendant toute la première moitié de saison. Il brillait particulièrement en Ligue Europa, et comme il n’y a rien de mieux pour polir son profil international que de marquer les esprits dans les Coupes européennes (Ben Yedder en sait quelque chose), le nom de Dimitri Payet est naturellement revenu dans la conversation des Bleus, où il n’était plus apparu depuis octobre 2017.

L’entraîneur de l’OM Rudi Garcia a-t-il pris le risque d’aggraver la blessure de son meneur de jeu en le titularisant pour la finale de la Ligue Europa ?

« Je pense que c’est le genre de risque à prendre »

Antoine Griezmann réconforte Dimitri Payet à sa sortie. / VINCENT KESSLER / REUTERS

Dans les jours qui ont précédé le match, l’état-major marseillais était resté vague sur l’état de santé de son capitaine, qui n’avait plus joué depuis le 6 mai contre Nice. A la veille du match, le 15 mai, Payet lui-même ne respirait pas la confiance en déclarant : « Je pense pouvoir être apte. » Dans les faits, il ne s’était plus entraîné depuis le 12 mai.

La décision de le lancer dès le début de la rencontre est parfaitement assumée par l’entraîneur de l’OM, Rudi Garcia, qui s’est justifié en expliquant que, « sur ce genre de match, c’est le genre de risque à prendre ».

« On espérait qu’il [serait] apte, on a d’ailleurs effectué un test avant le match ce matin. Ce soir, sa blessure ne s’est pas aggravée. Il avait une appréhension pour jouer de manière libérée et pour pouvoir frapper fort dans le ballon. Il était tout simplement trop juste pour être à 100 % ».

Pour étayer son argument, Garcia rappelle que « même diminué, il a fait une passe décisive, ou qui aurait pu être décisive, pour Valère Germain ». L’Equipe rapporte que « la gestion de sa lésion aux ischio-jambiers pourrait laisser des traces entre lui et son club, mais aussi entre Deschamps et Rudi Garcia, dont les intérêts divergeaient dans cette affaire ». Le sélectionneur national devait être au courant de la réalité de la blessure puisque le médecin de l’OM, Franck Le Gall, est également celui de l’équipe de France.

Le principal concerné ne n’est pas exprimé depuis sa finale malheureuse. On l’imagine quand même mal s’être retrouvé sur le terrain contre son gré. On ne refuse pas une finale de Ligue Europa pour se préserver pour une hypothétique sélection. C’est ce qu’on peut comprendre en lisant une interview publiée avant le match sur le site de l’UEFA dans laquelle il dit :

« Ce n’est pas un match normal. On joue au football pour pouvoir jouer de tels matchs. »

Quelques mois après avoir forcé sa sortie de West Ham et son retour à l’OM comme pierre angulaire de « l’OM Champions Project », Dimitri Payet racontait dans So Foot qu’il voyait la Coupe du monde 2018 comme « la dernière étape de [s]on aventure avec les Bleus ». Je sais qu’avec tous ces petits jeunes pétris de talent, au vu de mon âge, ça sera un objectif difficilement atteignable de prétendre à l’Euro deux ans plus tard. » C’est peut-être surtout à cela que devait penser le capitaine marseillais pendant les cinquante-neuf dernières minutes de la finale de Ligue Europa qu’il a passé sur le banc.