• Jean-Philippe Rameau
    Naïs

    Chantal Santon-Jeffery, Reinoud Van Mechelen, Florian Sempey, Thomas Diolé, Manuel Nunez-Camelino, Daniela Skorka, Philippe-Nicolas Martin, Purcell Choir, Orfeo Orchestra, György Vashegyi (direction)

Pochette de l’album « Naïs », opéra de Jean-Philippe Rameau. / GLOSSA

Première véritable intégrale fondée sur une édition récente, la magnifique partition de Rameau (Naïs est un « opéra pour la paix » écrit à l’occasion du traité d’Aix-la-Chapelle, en 1748) trouve enfin à qui parler. Il y a d’abord la direction remarquablement architecturée de György Vashegyi à la tête de ses deux ensembles hongrois, décidément sans peur et sans reproche. La pièce est emmenée par le rôle-titre de Chantal Santon-Jeffery, timbre chaud et prosodie généreuse, les messieurs n’ont qu’à bien se tenir. Et c’est le cas de Thomas Diolé et Florian Sempey, la sensibilité ombreuse du premier faisant idéalement pendant à la solarité triomphante du second, également capable de retenue en devin aux oiseaux. Mais c’est au radieux Reinoud Van Mechelen, tour à tour pâtre et dieu, qu’il revient de triompher sans partage, interprète on ne peut plus vertueux dont l’art prosodique allie à la quintessence poétique un sens exceptionnel de la narration. Marie-Aude Roux

2 CD Glossa.

  • Justin Taylor
    Continuum

    Œuvres de Domenico Scarlatti et de György Ligeti. Justin Taylor (clavecin)

Pochette de l’album « Continuum », de Justin Taylor. / ALPHA CLASSICS/OUTHERE

Loin de l’image emperruquée d’un acteur de salon, le clavecin apparaît sous les doigts de Justin Taylor comme un authentique instrument de subversion. Le programme du jeune Français (25 ans au moment de l’enregistrement) loge judicieusement Domenico Scarlatti et György Ligeti à la même enseigne. Celle de savants manipulateurs de l’oreille qui s’ingénient à désorienter l’écoute pour lui rendre une fraîcheur virginale. Le premier transforme, au XVIIIe siècle, la sonate en champ de mines (avec accords explosifs et mélodies reliées par d’invisibles fils). Le second fait de la variation une technique de camouflage qui vaut, à la fin du XXe siècle, à sa Hongrie natale, de se frayer un chemin sur des terres esthétiques très éloignées : de la Passacaglia Ungherese à l’Hungarian Rock (Chaconne). Et au clavecin de jouir (un terme essentiel pour qualifier le jeu de Justin Taylor) de vertus quasiment électroniques (Continuum). Pierre Gervasoni

1 CD Alpha Classics/Outhere.

  • Marc Lavoine
    Je reviens à toi

Pochette de l’album « Je reviens à toi », de Marc Lavoine. / BARCLAY/UNIVERSAL MUSIC

Par la qualité du phrasé – les mots des chansons se détachent, sont précis, lisibles dans l’interprétation –, l’élégance de sa diction, le placement de la voix sur les mélodies, Marc Lavoine appartient à la tradition de la variété de belle tournure. Six ans après son précédent album, voici Je reviens à toi. La chanson titre, choisie comme premier single, a accroché l’oreille depuis quelques semaines, belle ballade, avec gouttelettes de piano et cordes retenues. Dans le même esprit, parmi les dix chansons, se détachent « Station Othoniel » et « Comme je t’aime », un rien plus orchestrées, deux autres réussites. Tout comme le sont, dans d’autres envies musicales, « 45-tours », sorte d’électro-pop avec une partie parler-chanter, « Comment allez-vous ? », légèrement funky, avec sections de vents, et « Je panique en douceur », envol pop bien en phase avec le grave caressant de Marc Lavoine. Sylvain Siclier

1 CD Barclay/Universal Music.

  • Courtney Barnett
    Tell Me How You Really Feel

Pochette de l’album « Tell Me How You Really Feel », de Courtney Barnett. / MILK ! RECORDS

Guitare et batterie donnent d’abord l’impression de s’extirper du lit pour chanter un « désespoir » (Hopefulessness) accentué par l’hébétude du réveil. Humour et verve mélodique reprennent le dessus dès le second titre, City Looks Pretty, du deuxième album de Courtney Barnett : « Comme la ville a l’air belle, après être restée enfermée vingt-trois jours à attendre tes coups de fil. » Autodérision, sens aigu des harmonies pop avaient déjà fait merveille dans Sometimes I Sit and Think, and Sometimes I Just Sit, premier opus de cette héritière australienne des distorsions débraillées de Pavement, Guided By Voices et autres tenants du rock slacker des années 1990. Si le ton peut parfois se durcir (I’m Not Your Mother, I’m Not You’re Bitch), l’humeur serpente surtout entre mélancolie cool et fougueuse, portée par une malice abrasive prenant à contre-pied la brillance lisse et surproduite de la pop urbaine. Stéphane Davet

1 CD Milk ! Records