Nabil Fekir, auteur du deuxième but des Bleus face aux Irlandais. / CHARLES PLATIAU / REUTERS

La campagne russe des Bleus a débuté les pieds dans l’eau. Lundi 28 mai au Stade de France, la pluie d’été était plus hostile que l’équipe d’Irlande et, par ce temps à ne pas mettre un Adrien Rabiot dehors, les hommes de Didier Deschamps, vainqueurs 2-0, ont diffusé l’idée d’une certaine confiance, pas désagréable à deux semaines de débuter une Coupe du monde.

On a vu pire entame de préparation au Mondial, bien pire même, et le sélectionneur français signerait de suite pour un scénario identique lors des deux rencontres à venir, contre l’Italie (vendredi à Nice) et les Etats-Unis (9 juin à Lyon) : pas de blessé, zéro but encaissé et des présumés remplaçants qui montrent qu’ils ne se contentent pas de l’être.

Ce n’était certes pas le Brésil en face, pas même l’Australie, premier adversaire des Bleus et dont les caractéristiques techniques, façon de parler, sont censées être voisines de celles des Irlandais. L’Eire avait apporté sa météo mais pas grand-chose d’autre, et le 11 irlandais semblait un lointain cousin de celui qui, une heure durant, avait donné du fil à retordre en huitièmes de finale aux Bleus lors de l’Euro 2016. Il manquait même le traditionnel fighting spirit aux hommes du Nord-Irlandais Martin O’Neill, un entraîneur tellement calme qu’on a pu lui adjoindre Roy Keane sans craindre de la vaisselle cassée.

Giroud égale Zizou

Alors, sous le déluge, il a fallu se contenter de voir les Bleus disputer un entraînement filmé (76 % de possession de balle) devant un Stade de France quasi plein. Ce que ça donne ? Une maîtrise technique impressionnante d’abord, comme si les Français avaient chaussé des pneus pluie ; des latéraux dont on ne dirait pas qu’ils sortent tout juste d’un centre de remise en forme ; et un tourbillon devant, où Kylian Mbappé et Nabil Fekir ont permuté à n’en plus finir.

Du débat sur la liste des 23, la France s’apprête maintenant à glisser vers la composition du 11 titulaire au Mondial. Et si l’on comprend bien ce qu’a voulu signifier le sélectionneur après la rencontre, ses 60 millions de confrères auront tous des occasions d’avoir raison... en fonction des matches.

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Olivier Giroud, souvent l’objet de ces querelles de machine à café, a donné du grain à moudre à ses partisans en rejoignant dans la hiérarchie des buteurs de l’équipe de France une icône, Zinédine Zidane, avec 31 buts (40è minute). Ses détracteurs profiteront du rapprochement, évidemment baroque si l’on compare les contrôles de l’un et de l’autre, pour mugir que « Giroud, c’est pas Zizou », et qu’on ne compare pas deux buts en finale de la Coupe du monde à deux buts marqués au Luxembourg. Personne n’a dit ça, surtout pas Deschamps, mais face aux équipes regroupées, son jeu de tête et son intelligence dans les combinaisons sont incontournables. L’hommage du sélectionneur, relayé par Mbappé, a été appuyé : « Au niveau international, il fait partie d’un cercle fermé. C’est un joueur injustement et trop souvent critiqué. Il n’a pas les qualités d’autres attaquants, mais son style de jeu permet à l’équipe d’avoir des enchaînements, ce qui ne l’empêche pas d’être efficace.»

Tolisso met le doute

L’association Mbappé-Fekir a aussi donné satisfaction, les deux jeunes attaquants saisissant pleinement l’offre qui leur était faite de s’affranchir de leurs positions figées : « Ils auront toujours cette liberté. (...) Ils ont très bien permuté, échangé, c’était intéressant. » Le Lyonnais a inscrit le deuxième but (44è), heureux, d’une frappe puissante qui aurait été repoussée neuf fois sur dix, à moins que le malheureux gardien de Liverpool Loris Karius ait vraiment lancé une mode. L’énorme faute de main de Colin Doyle, le portier irlandais, a rappelé qu’on ne gardait pas par hasard les buts d’une équipe de troisième division anglais.

L’attaque française a manqué de précision dans la dernière passe mais avec deux buts marqués au moins sur les six derniers matchs, elle emmagasine une confiance qu’elle semble, si l’on en croit les déclarations d’après-match, diffuser au reste de l’équipe.

Corentin Tolisso est l’autre vainqueur de cette rencontre, l’autre homme qui instille le doute dans la tête du sélectionneur par ses bonnes prestations répétées en équipe de France. En sept sélections, il n’a quasiment jamais déçu, surtout pas face à l’Irlande où il a toujours cherché la bonne passe plutôt que le bon dribble, pris des risques mesurés et su traîner devant la surface à l’affût d’un second ballon pour faire parler sa frappe de balle. Son tir sur le poteau, à la 37è minute, est venu rappeler que, comme Paul Pogba, il a cette arme à sa panoplie. « C’est ce que j’aime faire, venir prendre le ballon un peu bas, essayer de faire le jeu, tout en se projetant vers l’avant. Je m’en suis bien sorti ce soir et j’étais en confiance. Je suis content ce soir, après il y a des passes que je n’aurais pas dû tenter, qui n’ont pas été réussies. Il faut que je progresse dans la dernière passe. A la fin, j’aurais pu donner un ballon de but à Nabil [Fekir], et c’est pour ça que je dois travailler. »

L’Italie pour éprouver la défense ?

La modestie ne peut pas déplaire à un sélectionneur, qui ne doit pas la croiser souvent dans les couloirs de Clairefontaine. Prié de dire si Corentin Tolisso constituait une alternative possible à Paul Pogba, Deschamps a été aussi peu clair que possible : « J’aurai des choix à faire, ce n’est pas spécialement pour Paul Pogba. Ce sont des registres, des associations J’ai beaucoup de milieux de terrains qui sont censés pouvoir être titulaire, d’un match à l’autre ca peut changer. »

Le schéma doit permettre, outre de s’adapter à l’équipe adverse, de ne jamais laisser les titulaires présumés s’endormir. Deschamps s’est réjoui : « Il y a une très forte concurrence, devant, au milieu et... » Il s’est arrêté là. En défense, savoir que Benjamin Mendy et Djibril Sidibé n’ont rien perdu de leur dynamisme offensif suffit à son bonheur. Pour l’autre moitié de leur job, il faudra attendre au mieux vendredi et la réception de la Nazionale à Nice.

On priera les Italiens, non qualifiés pour la Coupe du monde, de refuser le statut de sparring partner, de venger, pourquoi pas, leurs compatriotes installés en France qui s’apprêtent à vivre un mois difficile, bref : de mettre à l’épreuve une défense qui reste, à deux semaines de l’envol, le dernier caillou dans les chaussures mouillées de Didier Deschamps.