Luis Suarez a connu un match difficile malgré la victoire de son équipe. / Vadim Ghirda / AP

L’Uruguay a l’habitude des entames de compétition poussives. Elle n’a pas failli à sa réputation. La Celeste a dû batailler ferme vendredi à Ekaterinbourg pour venir à bout de solides mais prévisibles égyptiens (1-0). Et comme d’habitude, Luis Suarez n’a pas marqué lors d’un premier match de Coupe du monde. En 2014, convalescent, il avait regardé du banc le naufrage des siens face au Costa Rica (3-1). En 2010, le tout jeune attaquant était resté muet face aux Bleus en ouverture (0-0).

Cet après-midi, dans la fraîcheur estivale de l’Oural, le pistolero a tiré encore à blanc. L’attaquant du Barça a laissé bien seul son comparse de l’attaque uruguayenne. Pendant qu’Edinson Cavani rayonnait, Luis Suarez balbutiait son football.

Aussi à l’aise avec les bons mots que dans les surfaces de réparation dans les années 1980-1990, l’ancien buteur anglais Gary Lineker, aujourd’hui consultant, a bien résumé sa performance d’une sentence tranchante, dont il a le secret : « Mo Salah a été meilleur que Luis Suarez sur ce match. » Humour britannique, puisque la star égyptienne, pas encore totalement remise d’une blessure à l’épaule, n’a pas quitté le banc de touche…

Lent, hésitant et maladroit, Suarez a difficilement promené sa silhouette étoffée sur la pelouse d’une Arena acquise aux couleurs rouge et noir des Pharaons et qui a longtemps cru à l’exploit égyptien. Par trois fois, il manquait la cible ou butait sur le gardien El Shenawy et renforçait ainsi les espoirs des septuples champions d’Afrique. En fin de match, alors que le plus dur était fait avec l’ouverture du score de son coéquipier Jose Gimenez, il frôlait le ridicule en marchant sur le ballon lors d’un dribble tenté à la vitesse d’un vétéran. Et l’atteignait avec une simulation dont il a le secret.

Suarez n’a pas l’habitude de passer inaperçu

Plus généralement, c’est l’animation offensive de la Celeste qui a paru sans imagination face à une équipe aussi bien regroupée devant sa défense. Bien que talentueux, Nahitan Nandez (22 ans), Rodrigo Bentancur (20 ans) et Giorgian De Arrascaeta (24 ans) ont paru encore un peu tendres au milieu de terrain. Armée d’une défense redoutable, l’Uruguay ne peut pas se reposer que sur le talent de ses deux attaquants. Et quand l’un passe à côté de son match, le constat est encore plus évident.

Souvent placés parmi les outsiders, les doubles champions du monde (en 1930 et 1950) auront besoin de leurs deux stars au meilleur de leur forme. Pas d’inquiétude a priori pour Cavani mais qu’en est-il de Suarez ? Auteur d’une belle saison de plus avec le Barça, 25 buts en Liga, le garçon est capable d’un réveil tonitruant. Sa relation avec la Coupe du monde est une histoire d’amour tourmentée mais qui ne laisse jamais indifférente. Le meilleur buteur de l’histoire de la Celeste (51 buts) n’est pas du genre à y passer inaperçu.

A la 24e minute, Suarez a manqué le cadre à bout portant. / HECTOR RETAMAL / AFP

On se souvient de lui pour deux gestes, contraire à l’esprit du jeu mais tellement caractéristiques du personnage. Au Brésil en 2014, quelques jours après avoir réussi un doublé victorieux contre les Anglais, il s’illustrait sur une action devenue mythique : la morsure du défenseur italien Giorgio Chiellini. En 2010, son sauvetage sacrificiel de la main avait empêché les Ghanéens de devenir la première nation africaine à rejoindre le dernier carré, mais avait fait de lui un héros à Montevideo.

Auteur de cinq buts en huit matchs de Coupe du monde, Luis Suarez a encore l’occasion et le talent de laisser une empreinte, autre que celle de ses crocs, dans l’histoire du Mondial. Jeudi en conférence de presse, son sélectionneur Oscar Tabarez voulait, en tout cas, y croire : « Ce qu’il s’est passé au Brésil est une réalité, cela l’a aidé à grandir. Je vois que Luis s’est préparé comme un vrai professionnel pour ce Mondial, il est plus mature maintenant. » La maturité, une qualité justement essentielle à un footballeur qui veut rebondir après sa triste prestation d’Ekaterinbourg.