Jeu vidéo : un déficit de 70 000 euros menace la pérennité du Stunfest à Rennes
Jeu vidéo : un déficit de 70 000 euros menace la pérennité du Stunfest à Rennes
Par Corentin Lamy
Le festival breton, qui a vu sa fréquentation baisser de 30 % cette année, estime que le jeu vidéo n’est pas suffisamment soutenu par les pouvoirs publics. Une pétition a été lancée.
Grèves, gare en travaux, hausse des prix : 4 000 visiteurs payants manquaient à l’appel cette année. / Corentin Lamy
2018 devait être l’année de la renaissance pour le Stunfest, qui accueille depuis quatorze éditions, à Rennes, des milliers d’amateurs de jeux vidéo. Ce sera, finalement, peut-être celle de sa fin, apprend-on dans un communiqué publié mardi 29 mai.
Les organisateurs de ce festival breton « alternatif », faisant la part belle à la compétition mais aussi au jeu vidéo indépendant et expérimental, avaient déjà connu un raté l’an dernier. Dépassés par le succès de l’édition 2016, ses organisateurs s’étaient, en effet, résolus à faire une pause en 2017, dans le but de revenir plus forts – et mieux organisés.
Problème : l’édition 2018, qui s’est achevée le dimanche 20 mai (et dont Pixels était partenaire), n’a pas été le nouveau départ triomphal escompté. Mieux organisé peut-être, mais certainement moins rentable, ce quatorzième exercice s’achève sur un déficit de 70 000 euros selon les organisateurs.
A Rennes, le Stunfest célèbre le jeu vidéo autrement
Baisse de fréquentation de 30 %
Si des conférences, expositions et soirées « hors les murs » gratuites ont permis de sauver les apparences et d’afficher des chiffres de fréquentation à l’équilibre (12 000 visiteurs sur la semaine, comme en 2016), la réalité est moins simple : d’après Aymeric Lesné, coordinateur de l’événement au sein de l’association 3 Hit Combo, seuls 8 000 billets payants pour le festival proprement dit ont trouvé preneurs.
« Jusqu’à quinze jours avant l’événement, la billetterie était bonne, le public habituel a répondu présent, explique M. Lesné. C’est dans les deux dernières semaines et surtout le jour J qu’on a manqué du public plus large, plus familial, qui se décide à la dernière minute. »
Une baisse de fréquentation qu’il impute pour partie aux grèves nationales et à la fermeture de la gare de Rennes, limitant sérieusement l’accès ce week-end-là à la capitale bretonne. De quoi en décourager certains. Tout en reconnaissant que la hausse du prix du pass 1 jour à 25 euros (contre 15 euros lors de la précédente édition), n’a certainement pas joué non plus en la faveur du Stunfest.
Le Stunfest défend une certaine vision, alternative, de la culture du jeu vidéo. / Corentin Lamy
Une hausse qui, selon Aymeric Lesné, était toutefois nécessaire, et qui, avec « une augmentation des financements privés de l’ordre de 300 % », a permis de s’adjoindre les services de deux salariés en temps partiel, en plus des trois salariés à temps plein déjà présents en 2016. « Les équipes du festival souffraient du manque de ressources humaines, explique M. Lesné. Trois cents bénévoles, c’est bien, mais il fallait des salariés, des professionnels, pour les postes à responsabilité. »
« Double peine »
Mais pour le coorganisateur du Stunfest, les pouvoirs publics ont aussi leur part de responsabilité. Selon lui, ils « soutiennent l’événement, mais pas suffisamment ». Aymeric Lesné parle de financements publics qui ont augmenté « de 10 % seulement » tandis que les ambitions du festival grandissaient. « La dernière hausse d’importance remonte à 2014. »
Il parle ainsi de « double peine ». Selon lui, la direction régionale des finances publiques (DRFIP) refuse ainsi de reconnaître à 3 Hit Combo, organisateur à l’année d’événements liés au jeu vidéo, son statut d’association culturelle. Un statut qui permettrait pourtant à d’éventuels mécènes de bénéficier de rescrits fiscaux. « Pour eux, la culture, c’est la photo, le lyrisme, la musique, et ça s’arrête au cinéma. Les jeux vidéo et les nouveaux médias ne sont pas cités [dans le code général des impôts] », regrette-t-il, amer.
Le Monde a tenté de joindre, sans succès, la DRFIP. Dans une lettre datée de mars 2016, celle-ci expliquait que « le caractère culturel ne peut être reconnu à l’association 3 Hit combo puisque son activité n’est pas consacrée à la création, à la diffusion, ou à la protection d’œuvres de l’art et de l’esprit tel que défini par la doctrine administrative, qui exclut les activités ludiques et de loisir. »
Selon le coorganisateur du Stunfest, l’association 3 Hit Combo ne pourra plus conserver son équipe salariée après l’été, et la poursuite du Stunfest en 2019 sera impossible « si des solutions pérennes ne sont pas trouvées rapidement ». Il ne s’en cache d’ailleurs pas : il entend bien faire bouger les institutions « en produisant une pétition nationale : pas seulement pour 3 Hit Combo mais aussi pour toutes les structures équivalentes ».