Le président ukrainien Petro Porochenko rencontre le journaliste russe Arkady Babtchenko, déclaré mort puis finalement vivant, le 30 mai à Kiev. / HANDOUT / REUTERS

Entre incrédulité et soulagement, les médias ont rendu compte, mercredi 30 mai, de la conférence de presse du journaliste russe Arkady Babtchenko, dont la mort avait été annoncée la veille par les autorités ukrainiennes. La mise en scène entendait déjouer une réelle tentative d’assassinat, ont expliqué les chefs des services de sécurité du pays, où ce critique de Vladimir Poutine vit depuis 2017.

Mais la méthode employée laisse certains sceptiques, à l’instar de l’ancien collègue de M. Babtchenko, le journaliste russe d’investigation Andrei Soldatov, cité par la BBC. Ce dernier estime qu’une « ligne a été franchie » : « Babtchenko est un journaliste pas un policier et notre boulot repose sur la confiance, quoi que Trump et Poutine disent des “fake news”. »

Cette affaire ne va améliorer ni les relations entre la Russie et l’Ukraine ni la confiance dans l’information, souligne aussi la BBC, qui rappelle que Moscou a nié toute participation dans l’empoisonnement de l’ex-espion russe Sergueï Skripal au Royaume-Uni : « Cette fausse mort mise en scène va renforcer sa position, dans ce cas comme dans d’autres. »

« Stratégie contre-productive »

The Guardian, qui qualifie le journaliste de « courageux, controversé et contradicteur », compare cette affaire aux nouvelles de l’auteur ultra-noir Andrei Kurlov, « qui tournent souvent autour des meurtres sous contrat », tout en en pointant « l’absurdité » de la manigance. « Il n’est toutefois pas question d’en rire. Babtchenko a bien fui la Russie par peur et a toujours connu le scénario de son assassinat », rappelle le quotidien, qui se demande si « les autorités ukrainiennes n’ont pas fait plus de mal que de bien ». Le quotidien belge Le Soir se pose la même question : « En utilisant de manière imprudente l’arme des fake news contre la Russie, la stratégie ukrainienne pourrait s’avérer contre-productive. Car les crimes commandités depuis la Russie sont bel et bien réels. »

Le Moscow Times fait lui référence au « pouvoir sombre » de Moscou. « Est-ce que le régime de Poutine assassine ses ennemis par choix politique, est-ce simplement pour créer une atmosphère pessimiste de violence, ou est-il désormais un bouc-émissaire bien pratique ? », se demande Mark Galeotti, chercheur à l’institut des relations internationales de Prague, qui tranche : « La réponse, bien entendu, est les trois. »

Le Comité pour la protection des journalistes s’est, lui, interrogé sur les raisons qui ont mené à une mesure si « extrême », évoquant « une situation sans précédent ». Quant à l’association Reporters sans frontières, elle a jugé « pathétique et regrettable que la police ukrainienne joue ainsi avec la vérité, quel que soit le motif ».