Nouveau retard à allumage pour le réacteur de Flamanville
Nouveau retard à allumage pour le réacteur de Flamanville
Par Pierre Le Hir, Jean-Michel Bezat
En raison d’importants défauts de fabrication de l’EPR situé dans la Manche, EDF a annoncé, jeudi, qu’il envisageait de décaler son démarrage « de quelques mois ».
Chantier de l’EPR de Flamanville (Manche), en novembre 2016. / CHARLY TRIBALLEAU / AFP
La mise en service de l’EPR de Flamanville (Manche) risque d’accuser encore plusieurs mois de retard en raison d’importants défauts de soudure dans une partie du circuit secondaire de la tuyauterie, détectés par EDF et communiqués en avril à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Le « gendarme » du secteur est seul habilité à donner son feu vert au lancement du réacteur de troisième génération.
Futur exploitant de la centrale, EDF a annoncé, jeudi 31 mai, qu’il n’avait pas encore tous les éléments permettant de préciser l’allongement du calendrier, qui aura sans doute un impact sur le coût final de l’EPR.
Le groupe prévient néanmoins, dans un communiqué, qu’« un décalage de quelques mois du démarrage faisant partie des hypothèses envisagées, EDF se met en situation de poursuivre l’exploitation des deux réacteurs de la centrale nucléaire de Fessenheim [Haut-Rhin] jusqu’à l’été 2019 ».
Le secrétaire d’Etat à la transition écologique, Sébastien Lecornu, a pris « acte » du fait qu’EDF « se prépare à poursuivre l’exploitation de Fessenheim » tout en précisant que « la fermeture de Fessenheim [était] actée, irréversible ». Le gouvernement avait en effet conditionné la fermeture de la centrale alsacienne (1 800 MW), la plus ancienne de France (1977), au démarrage de Flamanville 3 (1 650 MW).
Facture initiale triplée
Lancé en 2007, le chantier de l’EPR a déjà pris sept ans de retard et sa facture initiale a triplé, pour atteindre 10,5 milliards d’euros. L’opérateur ne dira donc pas avant plusieurs semaines s’il est en mesure de tenir à la fois le budget et l’objectif d’un démarrage à la fin de 2018 avec le chargement du combustible dans le cœur du réacteur, qui avaient été annoncés en septembre 2015.
Ils n’avaient pas été revus depuis près de trois ans. L’agence de notation financière Moody’s avait alors évalué entre 500 millions et 1 milliard d’euros le coût d’une année de retard pour EDF. Tout retard pèsera à la fois sur les finances et le cours de Bourse du groupe, qui s’est redressé de 26 % en un an.
Les semaines passant, le respect de ces délais et du budget relèvent de la gageure. S’il démarrait à la mi-2019, l’EPR français serait alors le dernier à entrer en service après les deux tranches de Taishan (Chine) ; et celle, d’Olkiluoto (Finlande), où les essais à chaud du réacteur viennent de se terminer avec succès.
« Nous parlons au moins de mois », avait fait savoir, mercredi, Thierry Charles, le directeur général adjoint de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), dans un entretien au site Montel.no. C’est son institut qui est chargé de réaliser les tests et les analyses pour l’ASN.
Dans un courrier adressé le 11 avril au président de l’ASN, M. Charles pointait plus largement « un défaut de culture de sûreté » des acteurs de la filière nucléaire française, en suggérant que les contrôles de qualité soient étendus « à d’autres catégories d’équipements mécaniques » que les tuyauteries de vapeur aujourd’hui en cause.
« Défaut de surveillance » de la part d’EDF
« Nous attendons le dossier qu’EDF doit nous remettre, sans doute en juin, déclare-t-il aujourd’hui. Il devra caractériser l’ensemble des défauts de soudure, préciser leur impact sur la sûreté et indiquer comment EDF prévoit d’y remédier. » Ce n’est qu’après expertise de ce dossier par l’IRSN et l’ASN que le groupe pourra engager les travaux nécessaires.
Les premières vérifications effectuées sur les 150 soudures potentiellement défectueuses – les circuits concernés sont longs de 360 mètres – auraient montré des anomalies sur un très grand nombre d’entre elles. Elles ne respecteraient pas les normes de qualité supérieure à la réglementation applicable aux équipements sous pression nucléaire qu’EDF s’est lui-même imposées. Reste à connaître leur degré de gravité et les solutions envisagées par EDF, précise M. Charles.
Dès le départ, le président de l’ASN, Pierre-Franck Chevet, avait qualifié ces anomalies de « sérieuses », en pointant « un défaut de surveillance » de la part d’EDF et de Framatome (ex-Areva NP) sur ses sous-traitants. « Il s’agit d’une alerte sérieuse, qui met en cause à la fois la qualité de réalisation des équipements soudés, le contrôle de leur fabrication et la surveillance exercée par EDF de façon beaucoup trop tardive », jugeait lui aussi M. Charles.