Opéra sur Arte Concert à la demande

George Benjamin: Lessons in Love and Violence - Stéphane Degout and Barbara Hannigan
Durée : 03:13

Longtemps, le compositeur britannique George Benjamin (né en 1960) a cherché un librettiste d’opéra : il avait même rencontré Arthur Miller et David Lynch – mais ce fut en pure perte. Puis, un jour, il découvrit Martin Crimp (né en 1956), un compatriote dramaturge de haut vol, qui, alors qu’il est lui-même ­musicien, n’avait jusqu’alors jamais collaboré à un opéra.

Ce fut d’abord un « faux » opéra, une courte cantate scénique, ­plutôt, Into the Little Hill (2004-2006), pour deux chanteurs et orchestre de chambre, commandé par Joséphine Markovits, la responsable de la programmation musicale du Festival d’automne à Paris, qui lui avait présenté Martin Crimp. « J’ai fini par lire cet auteur que je ne connaissais pas, disait au Monde George Benjamin en 2012. J’ai adoré spontanément la précision, la subtilité, la force, la structure et la beauté étrange de sa langue. Nous nous sommes d’emblée entendus. Il est très fort et très doux. Je l’aime et je l’admire. »

En juillet 2012, ce fut, avec la création de Written on Skin, ­commandée par Bernard Foccroulle pour le Festival d’Aix-en-Provence, le miracle d’un opéra parfait, d’une écriture musicale exigeante, mais dont la force dramatique pouvait toucher une vaste audience. Partout, cette œuvre a depuis rencontré l’adhésion de la critique et du public.

Leur troisième collaboration, Lessons on Love and Violence, créée ce mois de mai au Covent Garden de Londres, est un ouvrage à nouveau intense, noir, presque suffocant. La musique est de toute beauté ; elle a pour seul défaut de ne pas renouveler ­profondément le climat de Written on Skin. A moins que le livret de Crimp l’en ait empêchée.

Un roi tout à ses plaisirs

On retrouve l’incandescente soprano canadienne Barbara Hannigan, interprète d’élection de Benjamin, qui avait marqué par son engagement physique et ses sons stratosphériques le propos érotique et morbide de Written on Skin. A son côté, l’intense baryton français Stéphane Degout dans le rôle d’un roi déconnecté de son peuple et tout à ses plaisirs, au centre d’un ménage à trois. Mais, contrairement à l’usage triolique à l’opéra, l’amant n’est pas celui de la femme mais celui de l’homme.

La captation n’évite pas les écueils habituels des trans­missions lyriques : lors des gros plans sur le visage des protagonistes, on voit ceux-ci, alors qu’ils s’adressent à un autre, yeux dans les yeux, regarder sur le côté comme si une connaissance leur faisait ­signe depuis les loges latérales (ou que Sa Majesté la reine apparaissait soudainement). C’est en fait un regard que les chanteurs jettent sur un écran qui leur permet de suivre la battue du chef d’orchestre quand ils ne sont pas face à lui. Peu visible depuis la salle, ce genre de détail indiscret prend des proportions parfois ­gênantes à la télévision.

La mise en scène de Katie ­Mitchell est moins « industrieuse » et plus dépouillée que d’ordinaire, même si l’on retrouve des figurants mystérieux, carnet de note à la main. Ils ont tout l’air de témoins muets mais, comme dans Written on Skin, on finit par comprendre qu’ils sont en ­quel­que sorte les ordonnateurs du chaos et de la violence.

Lessons in Love and Violence, opéra de Martin Crimp (livret) et George Benjamin (musique). Par Barbara Hannigan, Stéphane Degout, Gyula Orendt, Peter Hoare, Samuel Boden, Jennifer France, Krisztina Szabó, Andri Björn Róbertsson, Orchestre de l’Opéra royal du Covent Garden de Londres, George Benjamin (direction), Katie Mitchell (mise en scène). Arte Concert disponible jusqu’au 25 novembre (Fr., 2018, 85 min.).