Les tribunes clairsemées du court Suzanne-Lenglen lors de la rencontre entre l’Américaine Madison Keys et la Japonaise Naomi Osaka. / PASCAL ROSSIGNOL / REUTERS

On joue depuis près d’un set sur le court Philippe-Chatrier, et le public reste désespérément clairsemé. Samedi 2 juin, sur l’ocre parisien, la revenante Maria Sharapova taille en pièces la numéro 6 mondiale, Karolina Pliskova, dans ce troisième tour de Roland-Garros (6-2, 6-1). Mais pas plus de la moitié des potentiels 15 000 spectateurs du court assistent à la rencontre, et plus l’on descend les gradins vers les râles de la Russe, plus l’absence de spectateurs se fait criante. Il faudra attendre la corrida entre Rafael Nadal et sa victime Richard Gasquet pour voir le central afficher complet, loges privatives comprises.

Phénomène récurrent des rencontres du tournoi féminin, pareille panne d’affluence est difficilement imputable à la pause déjeuner, tradition au tournoi parisien. Programmée samedi en fin d’après-midi, Caroline Garcia a disputé la majorité de son match face à la Roumaine Begu dans un Suzanne-Lenglen sonnant creux. Des sièges vides qui n’ont « pas choqué » la diplomate numéro un française, qui s’est même félicitée qu’il y ait « beaucoup de monde à la fin ». Quelques minutes auparavant, l’enceinte était pourtant bondée de supporteurs applaudissant l’épique duel Goffin-Monfils (victoire du Belge).

Si l’élimination rapide des Français du tournoi est devenue la chanson de Roland-Garros, l’absence de spectateurs des rencontres féminines est un refrain récurrent. Le Monde a appris qu’un ancien joueur français s’en était ému auprès du président de la Fédération française de tennis, Bernard Giudicelli, jugeant cette situation « honteuse » et « scandaleuse » alors que le tournoi est à guichets fermés ou presque.

« Les tribunes seront pleines au moment des matchs [féminins], je ne suis pas inquiet », voulait croire avant l’entame du tournoi, dans un entretien à Ouest-France, son directeur, Guy Forget. A l’issue de la première semaine de compétition, force est de constater qu’il n’a pas été entendu. Admettant « un certain flou » sur le circuit féminin, l’ancien capitaine de l’équipe de France justifiait la défection d’un public « perdu », incapable de « savoir qui domine actuellement ».

Portraits-robots

Actuelle numéro un mondiale sans avoir jamais remporté de Grand Chelem, Simona Halep illustre ce flou. La Roumaine a disputé son troisième tour parisien sur le court 18, dernier-né des enceintes du tournoi, mais ne comptant que 2 200 places. Après avoir remporté ses deux premiers matchs sur le central, la double finaliste a confessé « des difficultés à [s’]ajuster sur un court si petit ».

« Il y a un vrai problème d’attractivité du tennis féminin », reconnaissait Bernard Giudicelli l’an passé, au moment de dresser le bilan de l’édition 2017. Une année ayant notamment vu la finale et les demi-finales féminines se dérouler devant des tribunes peu fréquentées en dépit d’un record de billets vendus (470 000 spectateurs sur toute la compétition).

Ce désamour du tennis féminin, Guy Forget l’explique parce qu’il « manque deux ou trois têtes d’affiche installées auxquelles les fans de tennis pourraient s’identifier ». Des portraits-robots correspondant trait pour trait aux revenantes Serena Williams et Maria Sharapova, qui alignent à elles deux vingt-huit titres du Grand Chelem.

Pour l’édition 2018, les deux stars de la balle jaune au féminin sont de retour sur le court. Revenue après avoir purgé sa suspension pour dopage, la Russe s’est hissée sans encombre en huitièmes de finale. La double vainqueur du tournoi parisien (2012 et 2014) affronte, lundi 4 juin, une Serena Williams qui monte en puissance après avoir mis sa carrière entre parenthèses pour donner naissance à son premier enfant. Du fait de son absence, celle qui a soulevé à trois reprises la coupe Suzanne-Lenglen (2002, 2013 et 2015) n’a pas été désignée tête de série, ce qui lui réserve un parcours plus accidenté porte d’Auteuil.

« Silence s’il vous plaît, les joueuses sont prêtes ». L’arbitre n’a pas eu besoin d’employer cette formule classique lors de la rencontre Sharapova-Pliskova samedi. Il devrait y avoir davantage de chahut lors du choc en huitième de finale entre les icônes russe et américaine.