La Suisse, l’eldorado des jeunes diplômés ?
La Suisse, l’eldorado des jeunes diplômés ?
Par Adeline Farge
C’est le pays francophone d’Europe qui attire le plus les candidats français à l’expatriation.
Xavier Lissillour
La sixième édition du Forum Expat qu’organise Le Monde les 5 et 6 juin à la Cité de la mode et du design, à Paris, répond à toutes les questions que les candidats à l’expatriation se posent. A commencer par celle de la destination… En Suisse, les ressortissants étrangers représentent 25 % de la population active permanente. Les opportunités professionnelles alléchantes et les salaires confortables incitent les jeunes diplômés français à s’y expatrier pour booster leur carrière à l’international sans sacrifier leur qualité de vie. Selon une enquête de la Conférence des grandes écoles (CGE), la Confédération helvétique arrive ainsi en tête des destinations francophones plébiscitées par les diplômés de 2016 travaillant à l’étranger, devant le Luxembourg, la Belgique et le Canada.
C’est d’ailleurs la principale terre d’accueil des expatriés français de tout âge : près de 190 000 y sont domiciliés. « Après le Royaume-Uni, c’est la destination prisée par nos anciens étudiants. Au départ, ils se tournent vers la Suisse pour les offres d’emploi intéressantes. Entre une progression de carrière rapide et des rémunérations sans équivalent, ces opportunités répondent à leurs aspirations. Une fois sur place, le rythme de vie moins stressant les pousse à rester », constate Manuelle, directrice carrière de l’Edhec.
La demande est structurelle. Face au quasi-plein emploi (environ 3 % de chômage), les entreprises helvètes, en particulier les PME qui composent près de 90 % de l’écosystème, sont contraintes de se tourner vers l’étranger pour recruter des profils techniques pointus : cadres et dirigeants, informaticiens, ingénieurs… Jean Schmitt, titulaire d’un diplôme allemand en nanotechnologies, avait ainsi signé son contrat de travail avec une entreprise de Bienne trois mois avant sa sortie de l’Ecole nationale supérieure de mécanique et des microtechniques de Besançon, en 2014. « J’ai été contacté par une société qui avait du mal à trouver des ingénieurs trilingues. Contrairement aux employeurs français qui exigent cinq ans d’expérience, lors de l’entretien d’embauche, l’entreprise s’est focalisée sur mes qualités humaines et ma capacité à résoudre des problèmes concrets, puis elle m’a formé », explique cet ingénieur développement produit, actuellement doctorant à Zurich. Les secteurs de la fabrication des machines, de l’informatique, de la banque, de l’horlogerie et de la santé sont ainsi confrontés à une pénurie de candidats qualifiés. Une situation qui ne devrait pas s’améliorer avec l’entrée en vigueur au 1er juillet des mesures réduisant la libre circulation des travailleurs européens.
Multilinguisme obligatoire
Autre avantage pour un candidat français à l’expatriation, le diplôme ne conditionne pas les perspectives d’évolution professionnelle de l’autre côté des Alpes. « Les employeurs évaluent leurs recrues sur la réussite de leurs missions. Rapidement, les salariés vont décrocher des responsabilités importantes. Comme le pays forme moins de diplômés, les sociétés préfèrent exploiter le potentiel de leurs équipes que recruter », souligne Julien Gibert, directeur exécutif de Page Personnel à Genève. C’est ainsi qu’Alexandre Taupiac, ingénieur diplômé de l’Epita (Ecole pour l’informatique et les techniques avancées), s’est retrouvé à la tête du nouveau pôle SharePoint de la société internationale de conseil en management et technologies Amaris un an seulement après s’être envolé pour Lausanne. Ses missions : prospecter les clients, analyser leurs besoins puis les accompagner dans la conception de leurs applications. « En France, je n’aurais pas pu viser un tel poste aussi jeune. A 26 ans seulement, je suis chargé de gérer de bout en bout des projets en totale autonomie. Seul responsable de mon périmètre, je peux prendre des décisions sans avoir à en référer à mes supérieurs. Ils m’accordent leur confiance et me laissent faire mes preuves. »
Toutefois, pour espérer séduire un recruteur, les candidats à l’expatriation ont tout intérêt à être polyglottes puisque la population suisse se partage entre germanophones, francophones et italophones. Et bien souvent, dans les sièges des multinationales, la première langue parlée est l’anglais. « Tournée sur l’international, la Suisse est friande d’expatriés. Au quotidien, j’interagis avec des collègues de toute nationalité et j’échange avec des clients présents dans le monde entier. Ce brassage culturel favorise l’ouverture d’esprit et l’innovation, mais il faut savoir jongler avec les langues », confirme Quentin, responsable qualité dans un laboratoire pharmaceutique de Bâle.
Enfin, en franchissant la frontière, les candidats français à l’expatriation devront souvent redoubler d’efforts pour s’intégrer. « La langue est la seule chose que nous ayons en commun. Les salariés sont ainsi beaucoup plus attachés à l’entreprise, à la hiérarchie et à la communauté. Ils ont un sens élevé des responsabilités », indique David Talerman, auteur du guide Travailler et vivre en Suisse (Gualino, 2016). En Suisse, il est fortement déconseillé de critiquer son patron, de chercher à contourner les règles, voire de mener une grève… Si un collaborateur refuse de rentrer dans les clous, son entreprise pourra s’en séparer aisément. Le droit du travail est beaucoup moins protecteur qu’en France.
Dernier bémol, ne pas compter devenir riche comme Crésus en larguant les amarres. Si le revenu médian de 6 502 francs suisses (5 641 euros) fait rêver, entre l’alimentation, le logement et l’assurance-maladie obligatoire, le coût de la vie au pays des Helvètes est l’un des plus élevés d’Europe.
Forum Expat, les 5 et 6 juin à la Cité de la mode et du design à Paris. Entrée gratuite, inscription sur www.leforumexpat.com