TV – « Une ère de musique, Simon Rattle et l’Orchestre philharmonique de Berlin »
TV – « Une ère de musique, Simon Rattle et l’Orchestre philharmonique de Berlin »
Par Renaud Machart
A voi aussi ce soir. Un documentaire intéressant, mais sans réelle perspective critique, revient sur les seize années passées par le chef d’orchestre à la tête des Berliner Philharmoniker (sur Arte à 23 h 55).
Beethoven: Symphony No. 7 / Rattle · Berliner Philharmoniker
Durée : 02:07
La tignasse frisée et brune du jeune Simon Rattle (né en 1955), qui fit sensation à ses débuts de chef d’orchestre à l’âge de 19 ans, a pris de l’argenté pour devenir blanche aujourd’hui. Le Britannique a, entre-temps, passé seize ans à la tête de la Philharmonie de Berlin (la Rolls-Royce des orchestres symphoniques internationaux) et a été anobli par la reine.
Rattle s’était auparavant distingué en restant à la tête d’une formation de deuxième – voire de troisième – ordre, l’orchestre symphonique de la Ville de Birmingham (CBSO), dont il a rapidement fait un ensemble estimé. De 1980 à 1998, tandis que les plus grands orchestres internationaux le courtisaient, Rattle s’est essentiellement consacré au CBSO.
Nommé en 1999, il prend en 2002 la direction de Berlin, qu’il ne quittera, en 2018, que pour retourner au pays en tant que directeur musical de l’Orchestre symphonique de Londres, formation moins prestigieuse mais très admirée.
Au contact de ce chef à l’enthousiasme communicatif, le philharmonique de Berlin s’est ouvert à la musique baroque, à des répertoires contemporains beaucoup plus vastes et variés que ceux que dirigeait Claudio Abbado, prédécesseur de Rattle à ce poste.
Sir Simon Rattle. / © FARIBA NILCHIAN/3B-PRODUKTION
Adepte des instruments anciens, qu’il dirige souvent par ailleurs, Sir Simon Rattle a considérablement changé le son de l’orchestre en lui apprenant à jouer « léger mais avec consistance ». Un musicien ajoute : « Il nous a appris que la grandeur n’a rien à voir avec l’élite. »
Humour excentrique
Car le Britannique a voulu s’adresser aux jeunes publics, faire collaborer occasionnellement des étudiants et des amateurs de musique avec l’orchestre. Et il a développé l’audience de cette formation, qui joue presque toujours à guichets fermés, en faisant filmer pour Internet chacun de ses concerts, par le biais du site Digital Concert Hall.
Rattle est très anglais : son humour excentrique n’est pas toujours goûté par les Berlinois et il est d’une politesse exquise. Quand il n’est pas content, son arme la plus puissante est l’ironie. Au point qu’un membre de l’orchestre regrette qu’il « ne tape pas plus du poing sur la table »…
Ce documentaire, dans lequel les intervenants s’expriment en anglais pour la plupart, est doublé et non sous-titré, occasionnant une gênante superposition des voix et des langues. Ainsi, alors que le timbalier de l’orchestre chante un exemple de sa partie dans Le Sacre du printemps, de Stravinsky, on préférerait ne l’entendre que par lui et non, en même temps, par la voix off.
Par ailleurs, on déplorera que ce portrait – extrêmement intéressant pour qui veut connaître de plus près la technique de direction et l’empreinte sonore du chef britannique – ne soit que laudateur. Comment pourrait-il en être autrement alors que l’orchestre en est le coproducteur ?
Williams: Indiana Jones / Sir Simon Rattle · Berliner Philharmoniker
Durée : 02:54
Car Rattle a subi au cours de son mandat de sérieuses attaques de la part de la critique musicale allemande, et sa relation avec l’orchestre a connu des hauts et des bas. La parole des musiciens, souvent passionnante, n’est que très allusivement et très poliment critique.
Certains disent à mots couverts qu’il était temps de changer de direction musicale et que la routine peut gagner (« On ne réalisera ce qu’il a apporté a cet orchestre que quand il sera parti »). Mais une vraie mise en perspective critique des années berlinoises de Sir Simon aurait rendu ce documentaire plus mémorable et utile.
Une ère de musique, Simon Rattle et l’Orchestre philharmonique de Berlin, d’Eric Schulz (Allemagne, 2017, 43 min).