Le bateau humanitaire « Aquarius » va finalement être accueilli par l’Espagne, seul pays à s’être proposé. / EMILIO MORENATTI / AP

La réaction tardive, mardi 12 juin au matin, de la France concernant l’Aquarius, navire d’une asociation bloqué depuis dimanche en Méditerranée avec 629 migrants secourus à son bord, a soulevé les regrets, voire la colère, d’une large partie de la classe politique.

Les autorités françaises se montrant silencieuses quant à la situation du bateau humanitaire, qui va être accueilli par l’Espagne, seul pays à s’être proposé, les nationalistes corses ont offert, tôt dans la matinée, à l’Aquarius d’accoster dans l’un de ses ports :

C’est finalement cette proposition qui a incité le gouvernement à sortir prudemment de sa réserve. Le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Baptiste Lemoyne, a jugé sur Sud Radio « facile » la position de Gilles Simeoni, dans la mesure où ce dernier n’est « pas aux responsabilités ».

Puis, Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, a expliqué sur LCP :

« Nous n’avons pas été saisis d’une demande de la part de l’ONG SOS-Méditerranée pour une raison simple, c’est que pour se rendre en France, c’est aussi plusieurs jours de mer, dans une mer qui n’est pas bonne, avec des passagers qui ne sont pas en bonne santé. »

Enfin, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, s’est justifié en expliquant que la France avait « pris sa part » :

  • Levée de boucliers à gauche et au sein de la majorité

A gauche comme au sein de la majorité, les réactions ont fusé quant à l’attitude de Paris. L’eurodéputé écologiste Yannick Jadot a salué sur Twitter la proposition corse, taclant au passage le gouvernement :

De son côté, Benoît Hamon, ex-candidat socialiste de la présidentielle et fondateur du mouvement Génération·s, a remercié les Espagnols de « faire simplement leur devoir d’humanité ».

Mais la position française a surtout fait grincer des dents parmi les députés La République en marche (LRM). Anne-Christine Lang, députée de Paris, a ouvert le bal en regrettant ouvertement sur Twitter que Paris n’ait pas proposé d’accueillir le bateau et ses migrants :

Une dizaine de députés de la majorité ont ainsi tour à tour loué l’attitude espagnole, tout en fustigeant la politique immigratoire du gouvernement, à l’instar de Sébastien Nadot, député LRM de Haute-Garonne :

Auparavant, le porte-parole du mouvement LRM, Gabriel Attal, s’était également exprimé dans la matinée sur Public Sénat, affirmant « ne pas imaginer que la France ne participe pas à trouver une solution humanitaire », avant de tacler Matteo Salvini :

« Ce que je pense, c’est que la position, la ligne du gouvernement italien, est à vomir. C’est inadmissible de faire de la petite politique avec des vies humaines, comme ce qui est fait en ce moment. »
  • La droite partagée, l’extrême droite applaudit

A droite, les avis sont partagés. Laurence Sailliet, porte-parole Les Républicains (LR), a regretté qu’« Emmanuel Macron n’[ait] pas pris position ». En revanche, le député LR des Alpes-Maritimes Eric Ciotti sur CNews a clairement affiché son refus d’accueillir l’Aquarius dans « aucun port français, ni Corse, ni Nice, ni Marseille ». « On veut que Nice devienne Lampedusa [île italienne où des centaines de milliers de migrants ont débarqué ces dernières années] ? », a-t-il lancé, disant espérer « qu’il y aura une extrême fermeté là-dessus des autorités françaises ».

Seule l’extrême droite a salué unanimement la décision italienne de refuser d’accueillir le navire humanitaire. « La réaction de Salvini est salutaire (…) Il faut qu’ils retournent d’où ils viennent », a tweeté Marine Le Pen.

L’un après l’autre, sur les réseaux sociaux, les cadres du Rassemblement national (RN, ex-FN) se sont félicités depuis lundi de la décision de Matteo Salvini, le nouveau premier ministre italien, allié du RN à Bruxelles :

En séance plénière au Parlement européen, mardi, le député européen RN Nicolas Bay a lui aussi évoqué la « méthode » Salvini, estimant « urgent » de « mettre en œuvre une véritable coopération européenne pour défendre efficacement les frontières extérieures en s’inspirant de l’action de la Hongrie hier et de l’Italie aujourd’hui ».

Invité la veille sur Franceinfo, le porte-parole du parti d’extrême droite Julien Sanchez avait déjà assuré que son parti « aurait pris la même décision que Salvini. Accueillir une immigration supplémentaire est irresponsable ».

De son côté, dans un communiqué intitulé « Bravo Salvini ! », Nicolas-Dupont Aignan a également salué le blocage italien. Le président de Debout la France a « regretté en revanche » que l’Espagne « décide d’ouvrir ses ports », critiquant « la politique folle de l’Union européenne ». « Les demandes d’asile politique doivent se faire depuis les consulats européens ouverts dans les pays d’origine » a conclu M. Dupont-Aignant ; une proposition également formulée par le RN, dont il a repoussé la dernière main tendue pour une alliance en vue des élections européennes à venir.

  • Madrid appelle à la solidarité européenne

A Madrid, le tout nouveau ministre des affaires étrangères, Josep Borrell, a insisté sur « la nécessité pour les Européens (…) de faire face de manière solidaire et coordonnée à un problème qui est celui de tous, et non pas pendant un an celui de la Grèce, l’année suivante celui de l’Italie », dénonçant :

« L’Italie a reçu un flux énorme de migrants et il n’y a pas eu jusqu’à présent beaucoup de solidarité de la part des autres pays européens. »

Le premier ministre maltais, Joseph Muscat, qui avait comme l’Italie refusé d’accueillir l’Aquarius, a, lui, simplement remercié Madrid pour l’accueil du navire.