Enfin. Après deux mois de reports successifs, le projet de loi « relatif à la croissance et la transformation des entreprises » (dit Pacte) a été présenté, lundi 18 juin, en conseil des ministres. Un accouchement dans la douleur pour ce texte hétéroclite, qui ne vise rien moins qu’à « relancer notre croissance et notre économie », a souligné lundi le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, qui bataille depuis des mois pour s’imposer dans un agenda politique et de réformes surchargé.

Entamé à l’automne par une vaste consultation de chefs d’entreprise et de parlementaires, la loi Pacte vise en priorité les PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) tricolores, « trop petites pour affronter la transformation digitale et exporter », a rappelé le ministre. Or, ce sont elles qui créent de l’emploi en France, a-t-il ajouté. Près de 400 000 postes ont été créés entre 2009 et 2015.

Soucieux de désamorcer les critiques qui y voient un projet fourre-tout et peu lisible, M. Le Maire a avancé que la loi « Pacte peut représenter 1 point de PIB supplémentaire à long terme » – dont 0,3 point en 2025, selon une étude du Trésor. Soit près de 20 milliards d’euros de richesse potentielle pour le pays.

Privatisations

Afin de financer les mesures les plus coûteuses de Pacte – dont la suppression du forfait social dans les entreprises de moins de 250 salariés –, Bercy devra trouver « 1,1 milliard d’euros en 2019, puis 1,2 milliard en 2020 » a indiqué le ministre. « L’intégralité sera financée par une revue des aides aux entreprises, que je fais à la demande du premier ministre et qui prendra encore plusieurs semaines », a précisé M. Le Maire. Gérald Darmanin, son collègue chargé des comptes publics, avait évoqué le mois dernier le montant de 5 milliards d’euros d’économies à trouver sur les aides aux entreprises, dans le cadre de la baisse des dépenses publiques.

Parmi les mesures détaillées dans Pacte, figurent la suppression des obligations fiscales et sociales dans les entreprises d’au moins 20 salariés, celle du forfait social pour la mise en place d’un accord d’intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés, mais aussi la simplification de la création d’entreprises ou du régime de propriété intellectuelle.

Le texte donne également le coup d’envoi à la cession de parts de l’Etat dans ADP (ex-Aéroports de Paris), Engie (ex-GDF) et La Française des Jeux. Des privatisations destinées à financer un fonds pour l’innovation et l’industrie, qui disposera de 10 milliards d’euros et aura un rendement annuel de 200 à 300 millions d’euros. De quoi à la fois permettre le désendettement de l’Etat, et financer des start-up (70 millions d’euros par an) et des projets d’« innovation de rupture » (intelligence artificielle, nanotechnologies) pour 140 millions d’euros.

Marathon budgétaire

Enfin, après la remise en mars d’un rapport détaillé sur « l’objet social de l’entreprise », rédigé par le patron de Michelin, Jean-Dominique Senard, et l’ancienne secrétaire générale de la CFDT désormais présidente de Vigeo Eiris, Nicole Notat, le principe de la gestion des sociétés « dans l’intérêt social, en considération des enjeux sociaux et environnementaux » sera inscrit dans le code civil. Sur les administrateurs salariés, pour l’heure, seul le passage d’un à deux salariés pour les conseils de plus de huit administrateurs a été retenu. Les parlementaires pourraient aller jusqu’à trois salariés pour les conseils de plus de douze personnes.

La loi Pacte devrait être examinée en commission spéciale avant le projet de loi de finances (PLF), en septembre à l’Assemblée nationale. Les débats dans l’Hémicyle se poursuivront, si nécessaire, après le marathon budgétaire de l’automne. « Tout ce qui concerne l’intéressement et la participation sera effectif au 1er janvier 2019. Si les débats prennent trop de temps, on pourra avoir recours au PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale) pour faire passer les dispositions [correspondantes] », a précisé le ministre. L’assouplissement du pacte Dutreil, qui réduit de 75 % les droits de succession en cas de transmission d’une entreprise familiale si elle est dirigée par un membre de la famille, figurera, lui, dans le PLF 2019.