Sessions et Miller, les piliers de la « tolérance zéro » envers l’immigration de l’administration Trump
Sessions et Miller, les piliers de la « tolérance zéro » envers l’immigration de l’administration Trump
Le Monde.fr avec AFP et AP
Longtemps marginalisés, ils ont fait une entrée triomphale à Washington à l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche.
La séparation des familles est la conséquence de la politique de « tolérance zéro » adoptée depuis le mois d’avril par Jeff Sessions, le ministre de la justice de l’administration Trump. / JOHN MOORE / AFP
La séparation des familles de sans-papiers est la mesure par laquelle l’administration Trump compte enrayer le regain de passages d’immigrants illégaux à la frontière avec le Mexique. Ces séparations sont la conséquence de la politique de « tolérance zéro » adoptée depuis le mois d’avril par le ministre de la justice, Jeff Sessions.
Ce dernier est, avec Stephen Miller, haut conseiller politique du président, partisan d’une ligne dure sur l’immigration. Longtemps marginalisés à Washington, ils y ont fait une entrée triomphale lorsque Donald Trump est devenu le 45e président des Etats-Unis. Avec Stephen Bannon, débarqué il y a dix mois de la Maison Blanche – mais dont l’influence reste vivante, affirme le Washington Post, notamment à travers la personne de Stephen Miller –, ils incarnent la ligne dure du trumpisme.
Jeff Sessions, artisan de la lutte contre l’immigration
« Entrer illégalement aux Etats-Unis est un délit. (…). Et avoir des enfants ne vous protège pas », a lancé Jeff Sessions. / Susan Walsh / AP
En tant que procureur dans le sud de l’Alabama (1981-1993), puis comme procureur général de cet Etat du Sud (1995-1997) et enfin comme sénateur de l’Alabama (1997-2017), Jeff Sessions a fait de la lutte contre l’immigration l’un de ses chevaux de bataille – en plus de son hostilité à l’avortement et au mariage homosexuel. A ce titre, il a participé activement en 2013 à la lutte contre un projet de réforme de l’immigration élaboré par des sénateurs démocrates et républicains qui prévoyait la régularisation des 11 millions d’étrangers en situation irrégulière.
Selon le New York Times, M. Sessions en est arrivé à croire « que les immigrants, qu’ils soient entrés légalement ou illégalement, représentent une menace directe pour le pays en abaissant les salaires, en commettant des crimes et en se faisant concurrence pour obtenir des prestations d’aide sociale ». Il a été profondément influencé, précise encore le quotidien, par le travail de George Borjas, un économiste de Harvard qui a dit que les immigrants avaient un impact négatif sur l’économie. D’après les travaux de celui-ci, l’immigration nuirait sensiblement aux « natifs » faiblement qualifiés, par un effet de « dumping » social.
Face aux critiques visant la politique de « tolérance zéro » de l’administration Trump, Jeff Sessions a tenté de justifier, vendredi 15 juin, la séparation de familles de sans-papiers, en citant la Bible : « Je pourrais vous renvoyer à l’apôtre Paul et à son commandement clair et sage (…) qu’il faut obéir aux lois du gouvernement car Dieu les a décrétées afin d’assurer l’ordre », a-t-il déclaré. « Entrer illégalement aux Etats-Unis est un délit. (…) Et avoir des enfants ne vous protège pas », a-t-il poursuivi, rappelant avoir ordonné « que [les] procureurs lancent des poursuites contre 100 % des entrées illégales » détectées à la frontière mexicaine.
Stephen Miller, le porte-parole et la « plume »
Pendant la campagne de Donald Trump, Stephen Miller a propagé les message anxiogène de Jeff Sessions à propos de l’immigration auprès des éditorialistes conservateurs. / © Carlos Barria / Reuters / REUTERS
Stephen Miller, 32 ans était l’ancien responsable de la communication de Jeff Sessions, entre 2009 et 2016, lorsque ce dernier était sénateur de l’Alabama. Il a notamment propagé les messages anxiogènes du sénateur à propos de l’immigration auprès des éditorialistes conservateurs que sont Ann Coulter, Laura Ingraham, Lou Dobbs et Andrew Breitbart (jusqu’à sa mort en 2012) puis Stephen Bannon, rapportait Politico, en 2016.
En janvier 2016, M. Miller fait le saut dans l’inconnu : il rejoint l’équipe de campagne de Donald Trump. Pendant la campagne, il martèle le message du candidat concernant la construction du mur avec le Mexique.
Lorsque Donald Trump est élu, il le suit à la Maison Blanche où il occupe désormais les fonctions de haut conseiller politique et de « plume » du président. S’il ne se met pas en avant, Stephen Miller joue un rôle important dans l’élaboration du « décret anti-immigration » destiné à restreindre l’entrée aux Etats-Unis de ressortissants ou binationaux de sept pays musulmans.
Stephen Miller est issu d’une famille de démocrates de Californie aujourd’hui convertis au conservatisme. En bon disciple du polémiste David Horowitz – considéré aujourd’hui comme islamophobe par le Southern Poverty Law Center (SPLC), spécialisé dans le suivi des groupes radicaux –, il est entré en guerre dès ses plus jeunes années contre ce qu’il considère être la chape de plomb culturelle pesant sur les Etats-Unis. C’est par l’intermédiaire de M. Horowitz que Stephen Miller a rencontré Jeff Sessions.
Ensemble, ils ont puisé leur inspiration dans les « travaux » de groupes de « recherche » anti-immigration, comme la Federation for American Immigration Reform, NumbersUSA et le Center for Immigration Studies, des organisations considérées comme propageant la haine par le Southern Poverty Law Center.
La mise en garde de Stephen Bannon aux républicains
Pour Stephen Bannon, « entrer illégalement aux Etats-Unis est un crime et les enfants sont séparés. C’est la loi, et il fait respecter la loi. » / CARLO ALLEGRI / REUTERS
Même s’il n’est plus à la manœuvre, Stephen Bannon, l’ancien stratège en chef de Donald Trump, reste en embuscade et commente avec gourmandise les réactions indignées à la nouvelle politique contre l’immigration. Le 17 juin, sur ABC, il affirmait que le président Trump n’avait pas à se justifier sur la politique consistant à séparer les enfants de leurs parents. « C’est la [politique de] tolérance zéro. On mène une politique – très simple – pour arrêter l’immigration illégale et limiter l’immigration légale, pour rétablir notre souveraineté, pour défendre nos travailleurs. Entrer illégalement aux Etats-Unis est un crime et les enfants sont séparés. C’est la loi, et il fait respecter la loi. »
L’ancien conseiller met aussi en garde les républicains. Selon lui, ils risquent la défaite lors des élections de mi-mandat s’ils votent le texte de compromis soutenu par le président de la Chambre des représentants, le républicain Paul Ryan. Ce texte vise à mettre fin à l’incertitude dans laquelle sont plongés les « dreamers » (mineurs arrivés illégalement) depuis que Donald Trump a dénoncé, en 2017, le Deferred Action for Childhood Arrivals (DACA), une loi adoptée à l’initiative de Barack Obama qui les protégeait de l’expulsion.
La proposition de loi propose de permettre à ces jeunes migrants clandestins arrivés sur le sol américain quand ils étaient mineurs de demander un visa de six ans renouvelable et de postuler, au cours de la sixième année, pour l’octroi d’une carte verte qui pourrait leur ouvrir la porte de la citoyenneté.
Steve Bannon fait valoir que ce texte risque d’aliéner la base politique de Trump et pourrait entraîner des pertes électorales en novembre, lorsque les républicains espèrent préserver leur majorité au Congrès. Qu’importe si deux tiers des Américains rejettent cette politique : une majorité de républicains y sont favorables, selon deux sondages Quinnipiac et Ispos publiés lundi 18 juin pour le Daily Beast.