Au Mali, les Peuls victimes d’attaques de chasseurs traditionnels
Au Mali, les Peuls victimes d’attaques de chasseurs traditionnels
Le Monde.fr avec AFP
Depuis trois ans dans le centre du Mali, les violences se multiplient entre Peuls, traditionnellement éleveurs, et Dogon, majoritairement agriculteurs.
Le village dogon de Nomburi, dans le centre du Mali. / Finbarr O'Reilly/REUTERS
Au moins 32 civils peuls ont été tués, samedi 23 juin, au cours d’une attaque attribuée à des chasseurs traditionnels à Koumaga, dans le centre du Mali, région touchée par les violences djihadistes souvent mêlées à des conflits intercommunautaires, a affirmé dimanche une association peule.
Selon Abdoul Aziz Diallo, le président de Tabital Pulaaku, principale association peule au Mali, des dozo, des chasseurs traditionnels, sont en outre retournés dimanche soir dans ce même village du cercle de Djenné (région de Mopti, centre), après le départ de l’armée, faisant quatre nouvelles victimes.
Sollicitée sur ces derniers événements par l’AFP, une source du ministère de la défense a simplement déclaré : « Nous ne confirmons pas ces informations. » En revanche, le gouvernement malien, plus tôt dans la journée, avait indiqué dans un communiqué que l’armée avait découvert « 16 corps » après un « accrochage violent » entre communautés à Koumaga samedi.
Membres de l’ethnie dogon
Selon Aziz Diallo, « des gens habillés en dozo » ont « encerclé le village, isolé les Peuls des autres communautés et, froidement, tué au moins 32 civils. Dix autres sont portés disparus ». Dimanche soir, le président de Tabital Pulaaku a par ailleurs indiqué que dix Peuls avaient été enlevés dans la journée dans une localité voisine, Dorobougou, par des hommes armés également habillés en chasseurs traditionnels. Aucune source indépendante n’était joignable dans l’immédiat pour confirmer cette information.
Les violences se multiplient depuis trois ans dans le centre du Mali entre Peuls, traditionnellement éleveurs, et les ethnies bambara et dogon, pratiquant majoritairement l’agriculture. Appelés dozo en Afrique de l’Ouest, les chasseurs traditionnels sont, dans le centre du Mali, membres de la communauté Dogon. Les Peuls dénoncent régulièrement des exactions à leur encontre, au nom de la lutte contre les djihadistes, de la part de ces chasseurs armés, tolérés, voire encouragés selon eux par les autorités ou l’armée, ce que dément le gouvernement.
« Les hommes étaient habillés en tenue de dozo, mais on se demande s’ils l’étaient tous. Il y a des dizaines de civils, dont des enfants, tués », a déclaré un élu de la région en évoquant les faits survenus samedi à Koumaga. Le gouvernement a promis que « des poursuites judiciaires seront engagées contre tous ceux qui seraient impliqués dans cet incident malheureux ».
Trois fosses communes
Ces derniers mois, les annonces par l’armée de la « neutralisation de terroristes » dans le centre ont souvent été contestées par les organisations de défense des droits humains et par des habitants, qui dénoncent des exécutions extrajudiciaires. « Ce qui se passe est très grave. Il faut éviter les amalgames. Ce n’est pas parce qu’on est peul qu’on est djihadiste », souligne Aziz Diallo, en assurant avoir prévenu les autorités de l’imminence d’une attaque.
Les Etats-Unis ont par ailleurs demandé jeudi 21 juin au Mali de mener une enquête « crédible et transparente » après la découverte récente des corps de 25 personnes, issues également de la communauté peule, dans trois fosses communes dans la région de Mopti et la reconnaissance, par le gouvernement de Bamako, de l’implication de « certains personnels » de l’armée.
Le Canada, qui vient tout juste de débuter le déploiement de quelque 250 casques bleus au Mali, s’était également dit « profondément préoccupé » par l’implication présumée de militaires dans des exactions et a réclamé que les « responsables de ces crimes odieux soient traduits en justice ».
Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes djihadistes liés à Al-Qaida, en grande partie chassés ou dispersés par une intervention militaire lancée en janvier 2013 à l’initiative de la France, qui se poursuit actuellement. Malgré un accord de paix signé en mai-juin 2015, les violences ont persisté et se sont propagées depuis vers le centre et le sud du pays, puis au Burkina Faso et au Niger voisins.