Artem Dzyuba, le 25 juin face à l’Uruguay. / DYLAN MARTINEZ / REUTERS

Si d’aventure les joueurs russes avaient eu la faiblesse de se croire arrivés, après leurs débuts en fanfare dans le Mondial, l’Uruguay a eu, lui, la courtoisie de les rappeler à la réalité. Première équipe à l’issue des deux premières journées du tournoi (8 buts marqués, un encaissé, soit aussi bien que la Belgique), la Sbornaïa a été nettement battue par la Celeste (3 -0), lundi 25 juin, dans un stade de Samara écrasé par la chaleur.

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Eclipsées par les victoires faciles contre l’Arabie saoudite (5-0) et l’Egypte (3-1), les craintes qui pesaient sur l’équipe russe avant le début de la compétition sont réapparues au grand jour. La ligne de défense, peu sollicitée jusqu’à présent, s’est révélée lente et — plus grave — fébrile face à des cadors comme Luis Suarez et Edinson Cavani, tous deux buteurs. L’attaque, elle, a manqué d’imagination, s’en remettant quasi systématiquement à l’immense Dzyuba. Autant de défauts qui rappellent furieusement « l’ancienne » Russie, celle qui n’avait pas remporté la moindre victoire entre le mois d’octobre 2017 et le début de la compétition.

On pourra se rassurer en mettant ces manquements sur le compte de la chaleur (le thermomètre affichait 33 degrés au coup d’envoi), de l’absence d’Alexandre Golovine, laissé au repos, ou de l’expulsion d’Igor Smolnikov, renvoyé au vestiaire après un deuxième carton jaune à la 36e minute. Mais il y a plus gênant. D’abord, l’Uruguay ne semble pas avoir forcé son talent, jouant de façon appliquée mais sans emballer le match. Si Suarez semble enfin être rentré dans son Mondial (en signant son septième but en Coupe du monde, le deuxième de cette édition 2018), la Celeste n’a pas encore endossé ses habits d’ogre du tournoi. Par comparaison, la performance russe apparaît d’autant moins convaincante.

Ensuite, l’équipe russe a semblé manquer rapidement d’envie et d’allant. Alors que ses deux premières prestations avaient été marquées par une frénésie de ballon et des courses folles, la Sbornaïa a paru, mis à part quelques rares fulgurances en attaque, baisser les bras dès le premier but encaissé.

« Loujniki, c’est mon stade ! »

Cette contre-performance ne doit toutefois pas faire oublier l’essentiel. Il y a encore deux semaines, le sélectionneur Stanislav Tchertchessov aurait probablement signé des deux mains pour se retrouver à disputer la première place de son groupe à l’Uruguay. Cette équipe à laquelle on prédisait un destin à la sud-africaine (seule nation organisatrice sortie au premier tour de son Mondial, en 2010), à laquelle Vladimir Poutine enjoignait seulement de se battre « avec dignité », a fait bien mieux que ça. Sa qualification pour les huitièmes de finale est déjà une performance immense, qui a mobilisé le pays dans un engouement exceptionnel.

Ce rappel à la réalité pourrait même être salutaire. Stanislav Tchertchessov, parfaitement impassible après les victoires des débuts, a montré lundi soir quelques signes d’agacement, envers ses joueurs d’abord, mais aussi en enjoignant à plusieurs reprises le public de soutenir plus bruyamment son équipe. Avec ce début de tournoi qui reste très positif, la Sbornaïa a montré qu’elle avait du caractère. Il lui en faudra pour espérer aller plus loin encore, alors que se profile un huitième de finale face au premier du groupe B, probablement l’Espagne ou le Portugal.

Sans mentionner le nom de ces éventuels adversaires, le coach russe s’est montré confiant, lundi soir en conférence de presse, prenant les devants pour assurer que son équipe n’avait « pas perdu la confiance ». « Même réduits à dix, on a été de l’avant, on voulait marquer, a-t-il fait valoir. L’équipe est assez forte psychologiquement pour dépasser cette défaite. » Autre effet de cette deuxième place dans le groupe A relevée par l’entraîneur russe : la Sbornaïa jouera son huitième non à Sotchi mais au stade moscovite Loujniki, qui abrite le Spartak, l’une des équipes entraînées dans le passé par Tchertchessov. « Loujniki, c’est mon stade ! », a-t-il lancé avant de se lever pour réclamer, bras écartés, les applaudissements des journalistes.