La haute stature, ce visage émacié si particulier n’ont pas changé, même si le cheveu a blanchi. Louis Le Pensec, nommé ministre des DOM-TOM – comme on disait à l’époque – dans le gouvernement de Michel Rocard, sera celui qui conduira les négociations permettant de finaliser les accords de Matignon du 26 juin 1988 pour ramener la Nouvelle-Calédonie à la paix civile.

« J’ai vécu des heures exaltantes, en ayant le sentiment que s’affirmait la volonté de bâtir un destin commun, raconte l’ancien ministre, sans parvenir à dissimuler une pointe d’inquiétude. L’histoire hésite. Je forme le vœu que l’itinéraire ainsi tracé trouve une réponse apaisante. »

Fragile voie du dialogue

Trente ans après, plusieurs acteurs de cette « grande séquence dans la vie de la République » se sont retrouvés, mardi 26 juin, à l’invitation du premier ministre, pour assister à la projection de deux documentaires retraçant ces années de violences qui ensanglantèrent la Nouvelle-Calédonie et cette sortie « presque inespérée » de quasi-guerre civile grâce à la volonté de trois hommes (Michel Rocard, Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur) qui parvinrent à renouer les fils de la confiance.

Témoins de l’époque et protagonistes de la campagne référendaire qui s’ouvre en vue de la consultation du 4 novembre sur l’accession du territoire à la pleine souveraineté. Comme un trait d’union entre ceux qui marquèrent l’histoire en sachant se transcender et ceux qui, à présent, doivent se montrer à la hauteur pour qu’elle ne soit pas victime de ses hésitations.

« En 1988, des hommes ont inventé l’art de la paix, en dialoguant et en essayant de trouver le bon compromis », a souligné Edouard Philippe, exhortant les acteurs du présent à « préserver, entretenir, expliquer » cette précieuse mais fragile voie du dialogue. « Et ce n’est pas si simple », souffle-t-il. Les incessants changements de pied d’une droite loyaliste consumée par ses sempiternelles querelles ne lui donnent pas tort.