Trois ans de prison pour un journaliste marocain ayant couvert les manifestations du Rif
Trois ans de prison pour un journaliste marocain ayant couvert les manifestations du Rif
Le Monde.fr avec AFP
Hamid El Mahdaoui, directeur du site « Badil », a été condamné pour « non-dénonciation d’une tentative de nuire à la sécurité intérieure de l’Etat ».
La justice marocaine a condamné le journaliste Hamid El Mahdaoui à trois ans de prison, jeudi 28 juin, pour « non-dénonciation d’une tentative de nuire à la sécurité intérieure de l’Etat » après sa couverture du mouvement de protestation populaire du Hirak. « Je ne conteste pas le fait d’être jugé selon le Code pénal et non selon le Code de la presse, mais je demande à ce que le jugement soit juste et équitable », a dit le journaliste de 39 ans, à la fin des audiences, devant la chambre criminelle de la cour d’appel de Casablanca.
Le directeur du site d’information Badil avait été arrêté en juillet 2017 dans la ville d’Al-Hoceima (nord) alors qu’il couvrait un rassemblement du mouvement populaire du Hirak, qui a agité la province du Rif en 2016-2017. Il était jugé pour ne pas avoir pas alerté la police après avoir reçu un appel d’un Marocain résidant aux Pays-Bas et évoquant « des armes destinées au Hirak ». « Je le considérais comme un fou, un menteur ou comme quelqu’un qui cherchait à me piéger […] Je n’ai jamais pris ses dires au sérieux », s’est défendu M. El Mahdaoui.
Incompréhension et indignation
Le journaliste a été jugé pendant neuf mois à Casablanca, aux côtés de 53 prévenus, pour leur participation au mouvement. La justice a décidé en début de semaine de traiter son dossier séparément, les parties civiles représentant l’Etat et ses agents n’ayant pas demandé de sanctions contre lui.
Les autres prévenus, qui ont tous boycotté les dernières audiences, ont été condamnés mardi soir à des peines allant d’un à vingt ans de prison pour « atteinte à la sécurité de l’Etat », « tentatives de sabotage, de meurtre et de pillage », « réception de fonds destinés à une activité de propagande » ou « participation à l’organisation de manifestations interdites ». Ce verdict a suscité des flots de réactions d’incompréhension et d’indignation au Maroc. Leurs avocats ont fait savoir qu’ils comptaient faire appel.
Au Maroc, indignation après la condamnation des meneurs du Hirak
Le porte-parole du gouvernement a souligné jeudi, lors de son point de presse hebdomadaire, que la « justice était indépendante du pouvoir exécutif », rappelant que le dossier serait réexaminé en appel.
Six « journalistes-citoyens » condamnés
Reporters sans frontières (RSF) a dénoncé des peines d’une « extrême sévérité » prononcées contre six « journalistes-citoyens marocains » figurant parmi les 53 accusés du Hirak et demandé leur « libération immédiate ». Arrêtés en juin 2017, ces six personnes ont été condamnées mardi soir à des peines de deux à cinq ans de prison pour « diffusion de fausses nouvelles » et « usurpation de la profession de journaliste ». Connu pour ses prises de position tranchées contre le pouvoir, le directeur du site Badil, également soutenu par RSF, était parfois critiqué pour mêler journalisme et militantisme.
Les manifestations déclenchées par la mort d’un vendeur de poissons, broyé dans une benne à ordures en octobre 2016, ont fait entre 600 et 900 blessés parmi les forces de l’ordre, selon les chiffres présentés lors du procès. Les manifestants demandaient notamment des usines, un hôpital et une université dans leur région. Le roi Mohammed VI a limogé en octobre des ministres et hauts responsables pour les retards du programme de développement local lancé en 2015.