Un paquebot de luxe qui carbure au gaz
Un paquebot de luxe qui carbure au gaz
Par Nabil Wakim
Le groupe Ponant va lancer en 2021 un paquebot de croisière brise-glace fonctionnant au gaz naturel liquéfié. Une première dans le secteur.
Le secteur du transport maritime est responsable de 3 % des émissions mondiales de CO2. / PATRICK VALASSERIS / AFP
Peut-on partir en croisière au pôle Nord sans (trop) polluer ? Le secteur du transport maritime, responsable de 3 % des émissions mondiales de CO2, est régulièrement critiqué pour son utilisation extensive de fioul lourd, très polluant.
Pour faire face à ce défi, l’organisateur de croisières de luxe Ponant a décidé de lancer un navire fonctionnant au gaz naturel liquéfié (GNL), utilisant une technologie proposée par le groupe français GTT, a annoncé ce dernier, mardi 3 juillet. Le luxueux paquebot sera équipé de deux réservoirs transportant du gaz refroidi à –160 degrés Celsius, qui sera utilisé comme carburant.
Ce navire, qui doit être livré en 2021, sera le premier brise-glace de croisière hybride électrique propulsé au GNL. Le Ponant Icebreaker n’est pas un vulgaire ferry : il sera équipé de 135 cabines de luxe et de deux hélicoptères, de quoi ravir des passagers qui paient entre 4 000 et 8 000 euros par personne, selon les voyages. Il sera construit par le chantier norvégien Vard et devrait proposer de se rendre dans des destinations polaires comme la mer de Weddell, la mer de Ross ou encore l’île de Pierre-Ier.
Un secteur exempté de l’accord de Paris
L’enjeu est d’importance pour le transport maritime. Si rien n’est fait, ce secteur pourrait représenter plus de 17 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050. Or, tout comme le secteur aérien, le transport maritime international est exempté de l’accord de Paris sur le climat du fait de son caractère transnational.
Outre ses émissions de CO2, le secteur est aussi responsable d’émissions de particules et de dioxyde de soufre plusieurs fois équivalentes à celles du parc automobile mondial.
Un accord trouvé par l’Organisation maritime internationale (OMI) en avril 2018, dans la foulée de l’accord de Paris, dessine une trajectoire de réduction des émissions du secteur de moitié d’ici à la moitié du siècle. Mais il stipule aussi clairement l’interdiction totale du fioul lourd dans l’Arctique à partir de 2021.
Difficultés logistiques pour le ravitaillement
« Quand vous allez au pôle Nord, il vous faut un bateau propre, la technologie hybride permet de fonctionner sur batteries lorsque vous y êtes et de circuler le reste du temps au GNL », détaille Philippe Berterottière, le PDG de GTT. L’usage de GNL permet de supprimer les émissions de soufre et de particules fines, de réduire de 80 % le NOx (oxyde de carbone) et de 20 % celles de CO2.
L’armateur CMA CGM avait déjà passé, à l’automne 2017, une commande de neuf immenses porte-conteneurs fonctionnant au GNL. Cette utilisation progressive du gaz comme substitut au pétrole dans le transport maritime aiguise les appétits de certains groupes pétroliers, comme le français Total, récemment devenu numéro deux mondial après avoir racheté une partie des actifs d’Engie.
Mais ce transfert progressif du pétrole vers le gaz souffre encore de difficultés logistiques. Peu de ports sont équipés pour assurer l’avitaillement en GNL des navires, ce qui freine certains armateurs. Plusieurs grandes villes méditerranéennes, comme Marseille, Venise ou Barcelone, se plaignent régulièrement des navires de croisière qui font fonctionner leur moteur et dégagent des fumées polluantes et pourraient être intéressées à accompagner le développement de la filière.