Tour de France, un business qui roule
Tour de France, un business qui roule
LE MONDE ECONOMIE
Contrairement à un championnat de foot ou de basket, les spectateurs ne payent pas leurs places. L’événement vit donc grâce au financement des villes étapes, aux sponsors et, surtout, aux droits de diffusion.
Pour le monde du cycle, c’est une exposition unique au monde. Le Tour de France est le grand événement qui fédère le monde de la petite reine tous les mois de juillet depuis 1903… Et c’est un modèle unique, car l’événement, contrairement à un championnat du monde ou un grand tournoi de hand ou de basket, ne peut faire payer directement les douze millions de spectateurs qui viennent se masser le long des 3 000 kilomètres de route.
Amaury Sport Organisation (ASO), qui gère le Tour de France, doit tout de même dégager un chiffre d’affaires estimé à quelque 150 millions d’euros pour faire tourner cette énorme machine à travers l’Hexagone. « Si les spectateurs ne paient pas directement, il y a de fait une billetterie indirecte, explique Lionel Maltese, professeur de management sportif à l’université Aix-Marseille. Ce sont les villes étapes qui financent ASO pour accueillir la caravane du tour. Les tarifs évoluent selon le type de prestation, mais cela peut dépasser 100 000 euros. »
Mieux, une grande part des coûts cachés de l’organisation, comme un grand nombre d’installations techniques, est en grande partie à la charge de ces mêmes collectivités, précise le chercheur. Mais le génie d’ASO, c’est d’avoir permis aux marques privées de réaliser leur promotion sans entraves dans l’espace public, une chose autrement quasiment impossible.
3,5 milliards de téléspectateurs
En gros, le tiers des revenus du Tour proviennent des sponsors principaux, comme Skoda, Vittel ou LCL. La marque automobile fait ainsi un chèque d’environ 3,5 millions d’euros pour doter le Tour de ses véhicules et pour le maillot vert du meilleur sprinteur. « Ce n’est pas cher payé pour l’exposition médiatique qu’il gagne, résume le chercheur. Et, tant que cela est amorti par ses ventes de véhicules dans l’Hexagone, il n’a pas trop de raison d’arrêter. »
Le Tour tire également ses revenus de la caravane publicitaire, qui accueille une quarantaine de marques chaque année. « C’est du marketing de terrain très populaire, très bien vu, car cela rythme à merveille l’attente des spectateurs, qui auront le droit de voir quelques secondes les coureurs », poursuit M. Maltese.
D’autres marques préfèrent investir dans une équipe, afin de se faire une place sur le Tour, mais cela coûte au minimum de 8 à 10 millions d’euros par an pour espérer jouer un rôle important. « Et puis, il faut savoir raconter une histoire et fédérer un public, notamment par le biais du numérique. La FDJ ou AG2R y arrivent plutôt bien », résume le chercheur.
« Les cyclistes sont un peu les laissés-pour-compte »
La moitié des ressources de l’événement proviennent des droits de diffusion. Ainsi, France Télévisions signe un chèque de près de 25 millions d’euros par an, tandis que l’ensemble des télévisions du monde entier achètent également les droits, car le Tour est diffusé dans 190 pays, auprès de 3,5 milliards de téléspectateurs, selon ASO. « Quand les Allemands et les Américains jouent les premiers rôles, les droits télévisuels augmentent fortement », relève M. Maltese.
Reste un bémol, si l’organisateur, les chaînes et les marques s’y retrouvent, les cyclistes ne bénéficient pas autant des revenus… « Alors que, dans le foot, les joueurs sont intéressés à hauteur de 45 % des revenus d’une compétition, que les tennismen peuvent espérer un prize money à hauteur de près de 20 % des revenus d’un tournoi du Grand Chelem, les cyclistes sont un peu les laissés-pour-compte », conclut M. Maltese.