Coupe du monde 2018 : « Deschamps sera là au moins jusqu’en 2020 », confirme Noël Le Graët
Coupe du monde 2018 : « Deschamps sera là au moins jusqu’en 2020 », confirme Noël Le Graët
Propos recueillis par Rémi Dupré (Moscou, envoyé spécial)
Le président de la Fédération française de football, Noël Le Graët, revient sur le parcours des Bleus avant la finale de la Coupe du monde France - Croatie, dimanche 15 juillet, à Moscou.
Les Bleus après leur victoire face à la Belgique. / CHRISTOPHE SIMON / AFP
À 76 ans, Noël Le Graët est un dirigeant comblé. Président de la Fédération française de football (FFF) depuis 2011, le Breton espère que les Bleus de Didier Deschamps accrocheront une deuxième étoile à leur maillot en finale de la Coupe du monde, dimanche 15 juillet, contre la Croatie, au Stade Loujniki de Moscou. Avant ce duel, M. Le Graët revient sur le parcours des Tricolores en Russie.
Les Bleus affronteront la Croatie à Moscou, dimanche. Quel regard portez-vous sur la sélection à damier ?
Ce sera un match très difficile. La Croatie a parfaitement joué le coup contre l’Angleterre (victoire 2-1 après prolongation) en demies. Les Anglais avaient bien démarré mais, sur la deuxième mi-temps, il n’y a pas photo. J’avais senti les Croates un peu fatigués contre la Russie, en quarts (2-2). Ils avaient gagné aux penalties mais avaient un peu faibli. Techniquement, ils sont très bons. C’est une équipe très complémentaire. C’est un adversaire qui va être très difficile.
Les Croates ont disputé trois prolongations et ont donc un match de plus dans les pattes que les Bleus. Est-ce un avantage pour Didier Deschamps et ses joueurs ?
Je crois me souvenir que le Portugal avait eu deux prolongations avant la finale de l’Euro 2016 (remportée 1-0 contre la France). Quand on est dans l’euphorie et qu’on dispute une finale, il n’y a plus de fatigue. Ils ont certes joué plus que d’autres. Mais sur la prolongation contre l’Angleterre, ils n’ont pas montré beaucoup de signes de fatigue. Les observateurs disaient qu’ils flanchaient physiquement. Or, ce n’est pas du tout le cas. Les Croates étaient très compacts. Ils ont de très bons joueurs.
On prépare sérieusement cette finale. Je ne crois pas que le fait d’avoir joué la demie un jour avant change quelque chose. Cela ne se jouera pas sur ça. Aucune équipe ne s’est écroulée physiquement. C’est la technique et la maîtrise du ballon qui font la différence. Et dans ce domaine, les Bleus sont très costauds.
À l’Euro 2016, vous estimiez que Deschamps avait fait « d’une sélection une équipe » ? Qu’en est-il deux ans après ?
Le constat est encore plus fort aujourd’hui Je le dis depuis longtemps : la France progresse. Si on repart de 2012 - on ne parle même pas de 2010 car c’était catastrophique - on a fait une Coupe du monde correcte au Brésil (élimination par l’Allemagne en quarts), une finale à l’Euro en 2016. L’équipe est en progrès. On n’est pas les meilleurs mais on s’en rapproche ou pas loin. Didier a mis un système en place, il a des joueurs qu’il apprécie humainement. Il a réussi à trouver un vrai groupe. Il n’y a aucun problème d’humeur. Dans le jeu, c’est constant.
Son équipe est très équilibrée avec des jeunes intégrés comme Pavard et Hernandez. On a l’impression qu’ils sont là depuis toujours. Tout le monde en parle aujourd’hui comme s’ils jouaient depuis deux, quatre ans avec les Bleus. Je trouve cette équipe de France nettement en progrès. Les joueurs sont très forts à chaque poste, très complémentaires et disciplinés dans le jeu. Ils sont tous forts techniquement.
Quelles sont les clés de cette épopée russe ?
Cela s’est fait progressivement. On a fait des matchs amicaux intéressants. La qualification pour le Mondial a été difficile pour tout le monde. La France a quand même fini première de sa poule. Le match contre l’Argentine, en huitièmes, a un peu tout modifié. La veille du match, les joueurs présentaient un visage un peu différent. Si je prends les trois derniers matchs, les joueurs montrent pas mal de sérénité. Techniquement, cette équipe est l’une des meilleures. L’Argentine, c’est le déclic car on était un peu attendu. Il ne faut pas se raconter d’histoire. Ce jour-là, les observateurs s’interrogeaient : que va-t-il se passer contre l’équipe de Messi ? Or, on a gagné très logiquement. Cela a donné beaucoup d’espoir. Les matchs contre l’Uruguay et la Belgique ont été, à mon avis, gagnés tout aussi logiquement.
Deschamps a toujours donné l’impression de se projeter avec cette cure de rajeunissement imposée à son équipe.
Il y a des révélations. Il y a peu de temps, personne n’imaginait Pavard titulaire à droite ni Hernandez titulaire à gauche. Personne ne se demande plus qui est Pavard ou Hernandez. Ils ont 22 ans et se sont imposés naturellement par leurs qualités. Je ne parle même pas de Mbappé (19 ans) bien évidemment… On a une génération de joueurs très forts. Ils ont l’habitude des grands matchs, se comportent en vieux briscards, ou du moins en garçons intelligents sur le terrain.
En octobre 2017, les critiques ont été pourtant très vives à l’égard de Deschamps.
C’est le moment où j’ai choisi de prolonger Didier jusqu’à l’Euro 2020. On a toujours travaillé ensemble sérieusement. Les Allemands ont les a dominés nettement en novembre en amical (2-2). Sur cette Coupe du monde, le Brésil et l’Allemagne, de grands pays de foot, n’ont pas été au niveau des Bleus. On est beaucoup plus complémentaires.
Quel a été votre rôle actif en Russie, auprès de Deschamps et des joueurs ?
Le rôle d’un président est de rassurer quand il y a besoin de rassurer, d’être proche. On a eu 3 ou 4 réunions avec les joueurs. Avec Didier, on déjeune le matin, on mange le midi, on mange le soir. On parle du foot, de la vie. Le rôle, c’est d’être discret mais rassurant. Il y a beaucoup de respect entre Didier et moi.
Quel serait l’impact d’une victoire en Coupe du monde pour la FFF ?
On a un budget fédéral prévisionnel (250 millions d’euros pour la saison 2017/2018, 266 millions d’euros en cas de participation en quarts) comme si la Coupe du monde n’existait pas. On fait en sorte de ne dépenser pas plus qu’on va gagner. On n’en fait pas une opération financière. Tous les contrats commerciaux ont été signés avant, jusqu’après le Qatar [qui accueillera la Coupe du monde en 2022].
En termes d’image, nos rapports sont plus faciles avec nos sponsors, le président Macron se déplace en Russie. On avait perdu beaucoup de licenciés en 2010. On en a récupéré au moins 400 000 depuis. On est à 2,2 millions de licenciés. Mais on a besoin d’installations. Donc notre parcours en Russie peut aider les collectivités à investir.
Qu’en est-il des primes reversées aux Bleus ?
Les joueurs ont 30 % des sommes de la FIFA, soit autour de 300 000 euros chacun en cas de défaite en finale, ou 400 000 euros en cas de victoire. Mbappé a décidé de verser sa prime à une association. On le savait depuis longtemps pour Mbappé. Sa maman m’en avait parlé depuis déjà six mois. C’est un acte intéressant.
Quant aux autres, chacun a sa manière de réagir, chacun fait comme il le ressent. Ils ont la liberté totale de faire ce qu’ils veulent de leur argent.
On a l’impression que Deschamps a abordé la Coupe du monde avec sérénité.
Si cela ne s’était pas bien passé pour Didier, vous auriez fait votre métier, c’est logique. Je voulais qu’on ne parle pas de contrat ni d’argent avant la Coupe du monde. Didier est là jusqu’en 2020. On a signé la prolongation de son contrat, en octobre, en toute connaissance de cause. Je ne voulais pas qu’il y ait la moindre ambiguïté. Regardez l’Espagne, éliminée en huitièmes par la Russie [son sélectionneur Julen Lopetegui, a été débarqué la veille de l’entrée en lice de la Roja, après l’annonce de son arrivée cet été au Real Madrid, et remplacé par Fernando Hierro]…
La boucle serait-elle bouclée pour Deschamps s’il remportait la Coupe du monde comme sélectionneur, vingt ans après l’avoir soulevée comme capitaine ? Peut-il envisager de partir par la grande porte ?
Didier sera là au moins jusqu’en 2020. On a immédiatement la Ligue des nations à préparer en septembre avec la qualification pour l’Euro 2020 (premier match le 6 septembre contre l’Allemagne). Il y a trois semaines, on me demandait : « S’en va-t-il s’il ne bat pas l’Argentine en 8es ? » Et maintenant on me demande : « S’en va-t-il s’il gagne ? » Laissez-le à la FFF.
Une victoire serait un couronnement pour vous également. Partiriez-vous par la grande porte en cas de sacre ?
J’ai eu quelques problèmes de santé dernièrement. Je continuerai jusqu’au terme de mon mandat, en 2020, si la santé me le permet. Je viens de passer six semaines en Russie. Je remplis ma fonction très normalement, sans fatigue. Le tandem Deschamps-Le Graët continuera.