Pollution : le plan inachevé du gouvernement pour une mobilité propre
Pollution : le plan inachevé du gouvernement pour une mobilité propre
Par Stéphane Mandard
L’Etat s’engage à généraliser les zones à faibles émissions et à favoriser covoiturage et autopartage. Mais pas de plan vélo.
Sur le front de la lutte contre la pollution de l’air, le gouvernement semble enfin décidé à passer à la vitesse supérieure. Et le fait savoir. Le ministre de la transition écologique et solidaire Nicolas Hulot et la ministre des transports Elisabeth Borne doivent présenter, vendredi 20 juillet, « les engagements de l’Etat en faveur de la mobilité propre et de la qualité de l’air ». Ils préfigurent la future loi d’orientation sur les mobilités (LOM), d’abord annoncée au printemps et désormais attendue en fin d’année ou début 2019.
« Mesure structurante » pour le ministère de la transition écologique, le principal « engagement » concerne la généralisation des zones à faibles émissions (ZFE), aussi appelées zones à circulation restreinte. Elles devront être mises en place d’ici à 2020 dans les quatorze agglomérations concernées par des dépassements répétés des valeurs limites d’exposition au dioxyde d’azote (NO2), gaz très toxique émis principalement par les véhicules diesel. Il s’agit de l’Ile-de-France, Marseille, Nice, Toulon, Lyon, Grenoble, Saint-Etienne, Valence, Strasbourg, Reims, Montpellier, Toulouse ainsi que de la vallée de l’Arve et de la Martinique.
Aujourd’hui, seuls Paris, et dans une moindre mesure Grenoble, possèdent une ZFE. Elle fonctionne sur le système des vignettes Crit’Air et vise à interdire progressivement la circulation des véhicules les plus polluants. Ainsi, les voitures classées Crit’Air 4 (diesels immatriculés entre 2001 et 2005) ne pourront plus circuler dans les rues de la capitale, en semaine, entre 8 heures et 20 heures, à partir de 2019. Et d’ici à 2024, ce sont tous les diesels qui seront interdits, et les motorisations essence six ans plus tard.
Partenariat avec les collectivités
Chaque collectivité pourra décider du périmètre de la zone (centre-ville ou agglomération, comme l’envisage l’Ile-de-France), des plages horaires des catégories de véhicules concernées (tous ou seulement les poids lourds) et de la progressivité.
Nulle obligation, mais un « partenariat » avec les collectivités, précise le gouvernement. Il devrait être signé en octobre et ne se limite pas aux territoires concernés par des dépassements. Ces ZFE devraient permettre de réduire les émissions de gaz polluants de l’ordre de 12 à 15 % et de revenir dans les clous d’ici à 2022, estime-t-on au cabinet de Nicolas Hulot. Car, au-delà de l’urgence sanitaire (la pollution de l’air est à l’origine de 48 000 morts prématurées chaque année en France), le gouvernement espère que la mise en place de ces ZFE convaincra la cour de justice de l’Union européenne d’abandonner les poursuites engagées contre la France précisément pour ces dépassements.
Pour que ces zones soient réellement efficaces, la mairie de Paris réclame depuis des mois que les contrôles des vignettes puissent être automatisés. La future LOM devrait le rendre enfin possible.
Des exonérations pour les employeurs
Pour accompagner le basculement des automobilistes vers des véhicules propres, le gouvernement ne prévoit pas de nouvelle aide après la prime à la conversion lancée en janvier et plafonnée à 2 500 euros pour l’acquisition d’un modèle électrique neuf. Le malus pour les véhicules fortement émetteurs en CO2 devrait en revanche être durci : il s’appliquera à partir de 117 g/km à partir de 2019, contre 120 g aujourd’hui.
De façon plus globale, pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050, le gouvernement veut « favoriser les modes de déplacement alternatifs à la voiture individuelle ». Il entend ainsi encourager le covoiturage et l’autopartage. D’une part, en permettant aux collectivités de pouvoir créer des voies et des places de stationnement réservées. D’autre part, avec un cadre fiscal favorable. Celui-ci passera par la case entreprise. Les employeurs pourront rembourser une partie des frais de covoiturage de leurs salariés en étant exonéré de cotisation, sur le modèle de ce qui se pratique avec les abonnements de transports en commun. A quel montant ? L’arbitrage reste à faire.
La même exonération s’appliquera pour les entreprises qui mettront des recharges électriques à disposition de leurs employés.
Pas de plan d’investissement ambitieux
Les organisations de défense de l’environnement saluent la généralisation des zones à faibles émissions qu’elle réclamait. « C’est une première étape, mais maintenant, il faut sortir du diesel et de l’essence avant 2025 et accompagner les gens vers d’autres mobilités avec des plans d’investissement ambitieux. Or c’est là que le bât blesse », déplore Lorelei Limousin du Réseau action climat (RAC), qui regroupe Greenpeace, France nature environnement ou encore WWF. Le RAC demande notamment la création d’un fonds national vélo doté de 200 millions d’euros par an. Le gouvernement assure que le vélo est un « élément prioritaire » qui fera l’objet d’annonces spécifiques en septembre avec l’objectif de faire passer sa part dans les déplacements de 3 à 9 % à l’horizon 2024.
Autre point cher aux ONG, absent des « engagements » présentés par Nicolas Hulot et Elisabeth Borne, le report modal dans le transport de marchandises vers le fret ferroviaire. Dans le combat contre la pollution, le gouvernement accélère mais n’emprunte pas la ligne à grande vitesse.